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Photo de presse : chambre noire de la précarité

vendredi 1er février 2008

L’AFP a rendu publique le mois dernier sa prise de participation dans Scooplive et Citizenside. Comme d’autres nouveaux sites du Web « participatif », ils permettent à n’importe quel pékin de vendre ses photos et vidéos amateur aux organes de presse friands de scoop. Ledit pékin peut ainsi récupérer un peu d’argent de poche grâce à son téléphone portable ou son appareil photo numérique, et permet aux agences d’embaucher beaucoup moins de photographes professionnels... comme ceux qui ont été virés de l’AFP il y a trois ans. Ce mois-ci, c’est Bolloré qui annonce son intention de reprendre la branche française de l’AP (Associated Press, l’équivalent français de l’AFP) en partenariat avec Bernard Eveno, ancien P-DG de l’AFP et patron d’Hachette-Filipacchi photo ; joli monopole de l’image en perspective...

L’AFP a rendu publique le mois dernier sa prise de participation dans Scooplive et Citizenside. Comme d’autres nouveaux sites du Web « participatif », ils permettent à n’importe quel pékin de vendre ses photos et vidéos amateur aux organes de presse friands de scoop. Ledit pékin peut ainsi récupérer un peu d’argent de poche grâce à son téléphone portable ou son appareil photo numérique, et permet aux agences d’embaucher beaucoup moins de photographes professionnels... comme ceux qui ont été virés de l’AFP il y a trois ans. Ce mois-ci, c’est Bolloré qui annonce son intention de reprendre la branche française de l’AP (Associated Press, l’équivalent français de l’AFP) en partenariat avec Bernard Eveno, ancien P-DG de l’AFP et patron d’Hachette-Filipacchi photo ; joli monopole de l’image en perspective...
Bref, les agences de presse vont très mal, et ce depuis 2001, lorsque Bill Gates comprenant que le marché de la photo (qui connaît alors ses premières cotations sur la marché de l’art) peut rapporter beaucoup d’argent, crée Corbis, la plus grande agence photo en ligne du monde, en agrégeant des agences d’illustration et de reportages d’actualité. Et ce à moindre coût, puisqu’il ne s’agit pas de salarier des photographes, mais de vendre une production déjà existante. De nombreux photographes, connus ou non, avaient alors retiré leurs archives des agences rachetées, ne souhaitant pas bosser pour la com ou la pub, ou avaient été purement et simplement licenciés, venant grossir les rangs des milliers de photographes précaires.
Depuis, les rachats succèdent aux fusions, et le personnel se réduit à peau de chagrin dans les agences, impliquant évidemment une moins bonne connaissance du fonds d’archives, une moins bonne rentabilité de celui-ci, donc moins de ventes. Donc des licenciements, chez les iconographes d’agences, même les plus généralistes... Quant aux agences spécialisées, elles étouffent, largement concurrencées par les services de presse des théâtres, festivals, maisons de disques, qui achètent pour une poignée d’euros quelques photos pour que l’on illustre les articles de promotion de tel spectacle ou sortie de CD.
Pour les iconos de la presse et de l’édition, ce n’est guère plus rutilant. Alors que la profession gagnait tout juste ses galons de métier à part entière avec l’apparition de formations propres, elle n’est toujours pas reconnue dans la grille de la convention collective des journalistes, pour ne parler que de la presse, en dépit de la place croissante de l’image dans la plupart des publications. Même Libération, qui a la réputation de publier les meilleures photos de la presse nationale, n’embauche plus que des iconos à 1 400 euros net par mois...
Les grands patrons de la presse et de l’édition, concentrant désormais dans leurs mains tous les maillons de la chaîne de l’information, peuvent tranquillement pressurer les salariés, que ce soit dans le domaine de la photo comme des autres branches de l’info, et par la même occasion produire une information qui flatte les puissants qui ont tant besoin d’eux pour communiquer...

CNT-SIPM, syndicat interprofessionnel de la presse et des médias
article paru dans le Combat syndicaliste de février 2008 (mensuel de la CNT)