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SIPM-CNT

Infomer : lendemains de grève

samedi 16 avril 2005

Retombées de la grève des pigistes d’Infomer : la direction empêtrée dans une procédure qu’elle avait lancée, contre la désignation d’un délégué syndical.

Le trouble est effectif

Depuis la Loi Cressart votée en 1974, les conflits menés par des pigistes ont été rares. A part à RFI, menée par l’association de pigistes radio Spartakus , et la grève des pigistes d’Infomer. C’était en février dernier. Depuis, dans cette filiale d’Ouest France, le service après-vente mis en place par la direction cafouille un peu.

Au cours de la grève des pigistes des publications maritimes de la filiale d’Ouest France, la direction d’Infomer a lancé une procédure pour faire désavouer par la justice le délégué syndical SNJ, désigné au début du conflit en plus du délégué syndical CFDT. Depuis, l’enjeu n’est plus que symbolique, mais l’action en justice n’a pas été abandonnée. La vengeance est un plat à croquer tiède.

Cette procédure de contre-feu pourrait aujourd’hui occasionner de sévères retours de flammes pour les dirigeants d’Infomer qui pensaient avoir facilement gain de cause : à moins de 50 salariés, il est effectivement impossible d’avoir deux délégués syndicaux. La discussion juridique porte donc sur l’évaluation des salariés recalculés. Pour le calcul, temps partiels et pigistes sont traduits en équivalents temps pleins. Le litige porte sur le salaire de référence : le plus bas salaire d’embauche des journalistes permanents, comme le revendique la direction, ou le SMIC, comme le suggère le SNJ, arguant du faible niveau de rémunération des pigistes. Pour « valoir » un temps plein, un pigiste de l’hebdo Le Marin devrait pisser 63 feuillets par mois. Presque 16 feuillets par semaine, dans un domaine professionnel où il est impossible de tirer à la ligne, ça paraît très improbable.

Au tribunal d’instance de Rennes, le 12 avril 2005, l’audience a produit un effet provisoire à cent lieues de ce qu’imaginaient au départ les dirigeants d’Infomer. Devant le peu de fiabilité des documents qu’ils ont fournis à la justice, la présidente du tribunal d’instance a ordonné une « mesure de consultation » de la DDTE (direction départementale du travail et de l’emploi) qui a pour mission officielle, dans les semaines qui viennent, de mettre son nez dans la comptabilité. C’est moins lourd qu’une mesure d’expertise judiciaire, mais ça a le même but pour la justice : établir l’effectif des salarié-e-s. Plus ou moins 50 ? Le suspense est à son comble.

Une registre passoire

Sommé sous astreinte de produire le registre unique du personnel, Infomer s’en mord les doigts. Parce ce que, dans cette maison, ce registre légal est un peu passoire : il a « oublié » d’y faire figurer les pigistes (ce qui est pourtant une obligation légale), comme si ce n’étaient pas des salarié-e-s. Le registre a aussi « oublié » trois salariés, le rédac chef, le directeur de la rédaction et la secrétaire de direction, tous trois rémunérés directement par Ouest France, où ils n¹émargent pas, sauf à la cantine. Ailleurs, on appelle ça des emplois fictifs puisqu’ils ne travaillent pas dans l’entreprise qui les rémunère, et travaillent dans une autre société, qui, quoique filiale, est normalement étanche pour sa comptabilité courante.

Infomer revendique 44,83 salarié-e-s pour 2004 alors que le SNJ, manquant encore de données fiables, établit une estimation entre 55 et 60 équivalents temps plein. Ce qui entraînerait de facto l’obligation de constituer un CE maison, donnant aux représentants des salariés un regard sur la comptabilité, la gestion, et peut-être des éléments pas très avouables.

Des indépendants très dépendants

L’avocat du SNJ, Me Zoran Illitch, s’étonne des conditions de rémunération d’une bonne dizaine de rédacteurs payés comme « correspondants de presse » et pour certains depuis plus de vingt ans : « S’il s’agit de travailleurs indépendants comme on nous l’affirme, les critères ne sont pas réunis : ils n’ont pas d’immatriculation, il n’y a pas de facture ni de notes d’honoraires. Au contraire, on a des paiements par virements bancaires (sans justificatifs) en toute illégalité. Aucun n’a de numéro de SIRET. Sauf trois qui ont le même numéro que la société Infomer et la même domiciliation, au siège. »
Selon l’avocat, ces rédacteurs doivent être réintégrés dans l’effectif. Parallèlement, le SNJ a saisi l’inspecteur du travail et l’Urssaf, pour éventuelle fraude sur les cotisations sociales. On n’a pas fini de voir débouler des fonctionnaires tatillons au siège d’Infomer. L’inspection du travail devrait aussi s’intéresser de près à la présomption de tricherie de l’entreprise concernant ces vrais-faux salariés, faussement indépendants. Infomer pourrait se voir contraint de payer des cotisations sociales manquantes.

Pendant ce temps-là, les salariés de Publihebdos, autre filiale du groupe Ouest France, dont le siège est dans le même bâtiment qu’Infomer, sont en grève

Se monter un empire, c’est bien, mais qu’est-ce que c’est pénible de se voir importuné par les valets.