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Témoignage d’un CLP

Correspondant local de presse : "disponible"

mardi 31 août 2004

La situation des CLP correspond au rêve secret de tout employeur : le salarié est "travailleur indépendant"... son propre patron, en somme

Ce témoignage est anonyme, par peur de la répression. Voir également un article sur les correspondants locaux de presse paru dans le 4 pages « Les droits des travailleurs de la presse »


Nous sommes le 15 août, la France entière a les pieds dans l’eau et la tête au soleil. A. est devant son l’ordinateur, vers 19 h, il doit rendre sa copie. Depuis le début du mois, il ne compte plus ses « papiers ». A. est l’un des 30 000 correspondants locaux de la presse quotidienne régionale. Sa profession est définie par la loi n°87-39, du 27 janvier 1987. Une « loi » votée en quatrième vitesse entre minuit et une heure du matin.

La veille, vers 17 h, le secrétaire du journal pour lequel il travaille, lui a téléphoné pour connaître son programme du 15 août. Sa matinée est chargée : à 9 h, il a un rendez-vous à l’église pour une messe un peu extraordinaire puis vers 10h30, il doit se rendre à la garden party organisée par la municipalité. A midi, il est au départ de la traditionnelle course cycliste. Vers 16h, un automobiliste mal chanceux, finit son voyage dans un ravin proche de la nationale. A. enfourche son scooter, et se rend sur le lieu de l’accident. Il a ensuite tout juste le temps de se rendre sur la ligne d’arrivée de la course.

Une demi-heure plus tard, A. est devant son écran. Il vient tout juste de « passer » ses photos aux S.R, à l’aide de l’ordinateur « prêté » par le journal. Le temps de rédiger ses comptes-rendus et le mémento du jour suivant, A. s’apprête à rejoindre sa famille pour le repas du soir. Celui-ci est à peine entamé, le téléphone sonne, un incendie ravage une ferme des environs. De nouveau A. est en route, il rentrera vers 23 h. Le dîner est terminé, les enfants sont couchés.. C’est une journée ordinaire dans la vie d’un correspondant ! A la fin du mois, A. touchera environ 400 euros. Il aura travaillé chaque jour du mois, dimanche et fériés compris.

Moins chanceux

B. est moins chanceux, en se rendant à un rendez-vous de travail, il a été victime d’un accident. Bras et jambe cassés, il est au repos forcé. Son scooter, est mort, il a encore plusieurs mensualités à rembourser. B. n’est pas en accident du travail, il ne touchera ni indemnités, ni honoraires à la fin du mois.

Après 20 années de bons et loyaux services, C. vient d’être « remercié » par « son » journal. Il n’en connaît pas la raison. Il a pourtant fait bien des efforts pour se « mettre » à l’informatique et manier son nouveau numérique (fournis par le journal). Il s’apprête à porter l’affaire devant les Prud’hommes. Un long et difficile parcours l’attend et au bout du compte il n’est même pas certain qu’il soit gagnant !

A. B. et C. ne bénéficieront d’aucune retraite. Ils sont considérés comme des travailleurs indépendants, soumis à cotisations, si le montant de leurs honoraires annuels dépasse la somme de 3 900 euros. Par contre, ils pourront continuer leurs différentes collaborations aussi longtemps qu’ils en auront la force.