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* La constante macabre, comme notation de et par les enseignants

dimanche 7 février 2010, par Greg

Prenez cinq classes, sélectionnez les
5 meilleurs élèves de chaque classe et regroupez-les dans une nouvelle classe. Donnez-les à un prof dans le système classique de notation et il en fera, même inconsciemment, un tiers de bons élèves, un tiers d’élèves moyens et un tiers de mauvais élèves. Voilà le principe de la « Constante macabre » mise en évidence par André Antibi à travers de nombreux travaux au début des années 2000 : le système évaluation/notation traditionnel est une machine à créer de l’échec et à broyer des élèves.
Autre exemple : nombre de collègues trient les élèves par rapport à la « moyenne de la classe ». Ainsi ceux qui relèvent la moyenne sont considérés comme bons, ceux qui baissent la moyenne sont considérés comme faibles/en difficulté ou autre terme stigmatisant. Et ceux qui sont dans la moyenne ne sont souvent même pas considérés !
Pourtant c’est le principe même de la moyenne qui crée ces échecs. Effectivement à partir du moment où il y a moyenne, il y a forcément des élèves au-dessus et en dessous. C’est mathématique ! Et même si tous les élèves avaient entre 18 et 20, il en resterait des en dessous et des au-dessus de la sacro-sainte moyenne. Ce classement est pourtant encore souvent utilisé dans les bulletins scolaires.
Une autre entité de l’Éducation nationale qui continue de fonctionner de cette façon est l’Éducation nationale elle-même ! En effet le barème de notation des enseignants est littéralement construit sur le principe de cette fameuse « constante macabre ». Un tiers de « meilleurs profs » dont la note et le barème avancent, un tiers de moyens, et un dernier tiers (qui va depuis les rebelles à la dernière circulaire, aux en-froid-avec-l’inspection et jusqu’aux incapables, car il y en a aussi) dont l’avancement se fait uniquement à l’ancienneté.
Ainsi le corps enseignant est aussi condamné à être rangé immuablement dans les cases des bons, des moyens et des mauvais. On peut donc se poser la question de l’utilité des inspecteurs et des animations pédagogiques. En effet au final, même si certains enseignants pourront progresser, il faudra que ce soit au détriment des autres et ce système de notation ne peut aucunement attester d’un progrès global du corps enseignant.
Se pose ainsi la question même du système de l’inspection, où un non-enseignant vient distribuer un nombre limité de bons points.
Plus que jamais, alors que l’ambiance générale est à un contrôle de plus en plus bureaucratique de la profession, on voit la nécessité de réutiliser le refus d’inspection et de remettre en cause ce système d’avancement par essence injuste.
Mais refuser l’inspection, ce n’est pas refuser un regard extérieur sur nos pratiques : nous ne sommes pas prof de droit divin et il est légitime qu’on soit observé. À nous de réinventer un système d’autocontrôle entre collègues, de partages pédagogiques, d’innovations et de concertations.
Ce pourrait être un premier pas vers la remise en cause de l’évaluation elle-même, y compris celle des élèves, au moins au sens dans lequel elle est acceptée aujourd’hui… ■

Plusieurs sites à consulter :

Le site du mouvement contre la constante macabre

Évaluation ou sélection

Lieu : ESEN
Date : 22 novembre 2007
Durée : 2 h

Conférence prononcée lors d’un module intercatégoriel (inspecteurs, personnels de direction, formation initiale et continue) "Accompagner l’évolution des pratiques d’évaluation des acquis des élèves"
André ANTIBI, professeur à l’université Paul Sabatier de Toulouse et à l’école d’ingénieurs Sup-Aéro, directeur du Laboratoire de didactique de l’université Paul Sabatier de Toulouse

L’évolution des pratiques d’évaluation des acquis des élèves