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École : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française, Sous la direction de Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed et Danièle Trancart

jeudi 28 octobre 2010, par Greg

École : les pièges de la concurrence.


Comprendre le déclin de l’école française.

Sous la direction de Sylvain Broccolichi, Choukri Ben Ayed
et Danièle Trancart, éditions
La découverte, septembre 2010.

Par Nadia Monier

Par un éclairage historique, une analyse détaillée des résultats aux évaluations nationales et internationales et des enquêtes sur le terrain, les auteurs (cinq sociologues, une politologue et une statisticienne) mettent en lumière le fait que le développement de la concurrence entre les élèves, les classes et les établissements, produit de l’échec, non seulement pour les élèves issus des milieux populaires coincés dans les collèges ghettoïsés, mais également pour ceux qui parviennent à accéder à d’autres établissements. Quand la sélection, la compétition, la chasse aux « bons élèves », tiennent lieu de pédagogie, des élèves sont mis en échec alors qu’ils pourraient réussir dans un système différent.

Ce travail n’apprendra pas beaucoup de choses à ceux qui sont sur le terrain, et qui sont convaincus que la réflexion pédagogique et sociale et le travail en équipe valent mieux que les évaluations, la compétition et la sélection pour améliorer la qualité de l’enseignement et les résultats des élèves. Mais la précision de certaines informations et enquêtes est intéressante. Ainsi, par exemple l’enquête sur un collège du 78 qui est passé en quelques années du statut de collège pilote, exemplaire à tous niveaux, à celui d’établissement parmi les plus fuis et dont les résultats au brevet sont les plus faibles du département. On comprend bien également, comment, dans la Loire, c’est un ensemble de facteurs historiques, sociologiques et institutionnels, qui permettent d’expliquer la « sur-réussite » dans ce département plutôt populaire. L’analyse précise des mécanismes et des politiques en œuvre donne des arguments en faveur d’une école affranchie de la logique de concurrence vantée par les décideurs. Mais à travers l’ensemble des exemples étudiés, l’ouvrage montre à quel point l’engagement social et pédagogique des personnels peut s’avérer déterminant mais fragile, voire voué à l’échec sans une politique d’ensemble et un réel soutien institutionnel.

On a d’ailleurs parfois le sentiment que ce livre, qui démontre ce que nous savons, pour y être confrontés chaque jour, s’adresse davantage au ministère qu’aux professionnels et aux parents d’élèves, puisque toutes les stratégies individuelles, ou collectives mais locales, se heurtent tôt ou tard à un système qui semble aveugle aux situations décrites et réfractaire à toute initiative.
La démonstration que le système scolaire actuel ne se donne pas les moyens de remplir sa mission est utile, mais elle laisse en suspens plusieurs questions : Quelle est cette mission ? Qu’entend-on exactement par « réussite » ou « échec » de l’élève ou du système ? Par rapport à quelles ambitions, selon quelles normes ? L’école peut-elle être égalitaire et juste dans une société qui l’est de moins en moins ? La cécité des pouvoirs publics est-elle autre chose que la volonté de favoriser la fuite vers les établissements privés, donc le désengagement de l’État, tout en favorisant la création d’une élite ? Et pour les populations pauvres, issues souvent de l’immigration, le choix de la répression est moins coûteux, et tient souvent lieu d’unique politique publique. ■


Voir en ligne : Voir aussi notre entretien avec Choukri Ben Ayed