De la grève du Havre à la marée de Deauville, il n’y a que 45 minutes de route.

Pour prendre la route de la côte fleurie, on passe le Pont de Normandie, pour être de « l’autre côté de l’eau » Comme on dit « cheux nous ». On file sur Honfleur, petit port touristique où l’on a des chances d’entendre la musique de Satie et apprécier l’humour d’Alphonse Allais. Plus loin, on approche de Villerville et « son singe en hiver ».

Arrivés à Trouville, on débarque dans une ville très « Middle class » où les enfants de la petite bourgeoisie au teint hâlé, l’été, construisent des châteaux de sable. Leurs parents trempent leurs mollets dans l’eau frisquette. Trouville a son chemin des planches, son port où règnent de rudes pêcheurs, son marché. Trouville n’est pas un scandale. Entre Deauville et Le Havre, elle fait la transition. C’est la plage auxiliaire, avec un casino, de ceux que l’on trouve un peu partout sur les côtes de la Manche.

Quittons Trouville pour pénétrer à Deauville. Les rues sont proprettes, tracées au cordeau par l’architecte de chez Maxim’s. Les magasins de luxe bordent les alentours du casino, derrière le front de mer. Les voitures de luxe rutilent.
En stuc, plâtre et pierre, le casino. Devant, les courts de tennis où s’escriment les notables et les nouveaux riches. Les cabines leur masquent l’horizon et Le Havre avec sa zone industrialo-portuaire d’où émergent deux grandes cheminées fumantes.
Flanelle de prix, vêtements Galliano, bijoux précieux, parfums renommés, le tennis, être entre soi, n’est-ce point charmant ?
Sur la plage, le flot mord, le beau monde se baigne quand le soleil est au rendez-vous.
La domesticité attend, au sec, que ces braves gens reviennent pour leur remettre leur peignoir. La mer est généreuse, elle accepte les intrus. Elle ne leur veut pas de mal.
Une fois séchée, la nouvelle aristocratie parade et fait son cinéma sur les planches, on est loin des vacances de Monsieur Hulot.

La vie file à la vitesse des autos et des avions. La « grande vie » passe avec son cortège de nantis.

Le Havre avec ses quartiers défavorisés, son chômage de masse, c’est un autre monde.
On ne le regarde pas en face ! L’un ignore l’autre. Pourtant, il faut bien tout de même que les chômeurs et les travailleurs sachent comment on s’amuse bien à Deauville, combien la vie est belle et drôle et qui jette sur la paille les salariés alors qu’au baccara on rejette des matelas de billets de 500 euros. Il faut bien que les gens du peuple apprennent à faire banco comme les amis de Monsieur Sarkozy.
Il faut qu’ils comprennent pourquoi leur pouvoir d’achat diminue et que leurs fins de mois sont difficiles.

Au fond, Le Havre est beaucoup plus loin de Deauville que cela.
Pour les séparer, ces deux villes-là, il y a le grand jeu du baccara, le tapis vert, la roulette…le qui-perd-gagne des rupins. C’est le soir que les parties sont intéressantes quand les gros joueurs sont à table. Les jeux se font, l’argent passe, les croupiers règnent. L’argent va de l’un à l’autre, non sans qu’une part en fût prélevée discrètement par les finances républicaines…
Le gratin de Deauville et la bande du Fouquet’s dépensent sans compter. Le champagne de Deauville qui coûte cher coule à flot.

Au jeu, des millions sont perdus avec le sourire, l’important c’est de participer. Des faces fripouillardes et triviales esquissent des sourires. Pour ces égoïstes, c’est banco. Faites vos jeux ! Banco, la main passe. A d’autres de jouer et de rafler la mise avec l’argent gagné sur le dos des travailleurs. Les voyous, ce sont eux, pas ceux des banlieues.

Alors pour le contre sommet du G8, les 26 et 27 mai prochains, on ira manifester au Havre pour la justice sociale, une autre répartition des richesses et quand les pauvres s’uniront, gare à la revanche.

Cette semaine du 21 au 28 mai 2011 est plus que symbolique, il y a 140 ans tout juste, le peuple de Paris paya très cher son rêve d’une société égalitaire, son désir d’autogestion, avec pour dessein une communauté dirigée par et pour le peuple.

Pour nous, syndicalistes révolutionnaires, l’organisation d’un G8 lors du 140è « anniversaire » de « la semaine sanglante » est une véritable provocation, une incitation au devoir insurrectionnel des victimes du capitalisme de tous les temps. Mais non Nicolas, la Commune n’est pas morte....

Alors tous et toutes au Havre, le samedi 21 mai 2011