Secrétariat international de la CNT

Chiapas en lutte : Cinquième vent : Une digne et féminine rage

Publié le mercredi 18 février 2009

Au nom de mes compañeras et compañeros des bases de soutien, des insurgés
et des insurgées, des miliciens et des miliciennes, des responsables
locaux et régionaux du Comité clandestin révolutionnaire indigène, des
conseils de bon gouvernement, des communes autonomes rebelles zapatistes
et de tous les compañeros et toutes les compañeras qui prêtent leur
service dans les différents secteurs au sein des territoires zapatistes,
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En leur nom à tous et à toutes, je prends la parole pour vous parler de
nos tâches, de la participation et de l'organisation des femmes dans les
territoires zapatistes.

Comme on le sait, depuis sa naissance, notre organisation zapatiste a
encouragé et favorisé la participation des femmes. À l'égal des hommes,
elles peuvent participer à tous les niveaux de travail et d'organisation,
dans le domaine politique et économique comme dans le domaine social et
militaire.

Cependant, quand on a laissé aux femmes la possibilité de participer,
d'effectuer des tâches dans notre organisation, les hommes comme les
femmes ont eu beaucoup de mal à s'y faire, parce que les uns comme les
autres nous avions dans l'esprit et dans notre cœur que ce n'était pas
notre travail, que le rôle des femmes était uniquement de rester à la
maison, de faire des enfants et de s'occuper de leur mari, entre autres
travaux que les femmes doivent effectuer.

Mais quand on a accepté de créer et de donner vie à notre organisation et
que l'on a pris en compte l'existence des femmes, nous avons été
considérées comme des camarades de combat. De cette façon, on a donné nom,
vie et visage aux femmes. C'est d'autant plus important pour nous les
femmes indigènes, nous qui avons le plus à pâtir de l'exploitation, du
mépris, de l'humiliation et de l'oubli dans tous les domaines de la vie.

C'est pourquoi nous remercions l'organisation zapatiste qui nous a fait
renaître, hommes et femmes. Elle nous a donné le jour, elle nous a donné
l'espoir, elle nous a donné vie. Pour qu'un jour s'épanouisse ce que nous
désirons tant, pour que les femmes aient des droits et que l'on tienne
compte d'elles à l'égal des hommes.

C'est dans ce but qu'il y a eu des femmes dignes et rebelles qui ont donné
leur vie et ont consacré tous leurs efforts pour faire croître notre
organisation. Au long de ces quinze ans de luttes et de résistance, il y a
des femmes qui ont fait ce qu'elles ont pu pour œuvrer et participer à
tous les niveaux.

Au niveau politique, par exemple, des femmes ont participé à la direction
de notre organisation, au sein du Comité clandestin révolutionnaire
indigène. En tant que responsables locales et régionales, mais aussi des
compañeras qui ont été nommées suppléantes du CCRI. Les femmes participent
désormais aux assemblées des communautés. Aux études politiques ou dans
les assemblées générales, elles aussi élisent leurs autorités, qu'il
s'agisse des autorités municipales, des membres des conseils de bon
gouvernement, des agentes municipales, des commissaires d'ejido ou des
comités d'éducation. Ainsi que pour élire leurs dirigeants politiques de
leur communauté, tels que les responsables locaux.

Il y a donc des compañeras qui participent déjà à ce niveau de nos
autorités. Il y a aussi des femmes qui se sont organisées pour trouver un
moyen de résister dans notre lutte, ainsi que pour apporter des solutions
à leurs besoins. Elles se sont par exemple organisées pour travailler
collectivement, pour faire du pain, pour élever du bétail, pour produire
et vendre de l'artisanat ou pour faire le potager pour la consommation du
collectif. Voilà quel genre de travaux tentent d'effectuer les femmes dans
les territoires zapatistes. Il y aussi des femmes qui se forment pour être
promotrice de santé et d'éducation autonomes. Elles s'organisent entre
elles pour partager leurs connaissances et fournir gratuitement leurs
prestations aux communautés. Certaines se forment pour apprendre et
conserver les savoirs en plantes médicinales. D'autres compañeras se
préparent à être sages-femmes ou "hueseras", pour perpétuer la façon dont
se soignaient nos anciens. C'est pour cela qu'il est important pour nous
de récupérer le savoir que nous ont légué nos ancêtres.

Dans les deux domaines particuliers de la santé et de l'éducation,
certaines compañeras en sont arrivées à occuper un poste de coordinatrice
générale. Certaines femmes ont également exercé leur travail directement
dans les communautés zapatistes, en tant qu'opératrice de
radiocommunication, animatrices de radio, tandis que des jeunes femmes se
préparent à être photographes et camerawomen.

En outre, certaines compañeras se sont faites miliciennes et insurgées et
sont arrivées à être chefs militaires au sein de notre Armée zapatiste de
libération nationale.

Les femmes réalisent toutes ces tâches et responsabilités dans les cinq
zones zapatistes dans le but d'exercer leurs droits et leurs devoirs en
tant que zapatistes. Même si cela n'a pas été faciles pour nous, nous
faisons et continuerons de faire tous ces efforts et tous ces sacrifices
pour tenter de réaliser tout ce que dicte la Loi révolutionnaire des
femmes.

Nous sommes aussi reconnaissantes envers les compañeros qui ont saisi
l'importance de la participation des femmes. En particulier, envers les
compañeros qui laissent sortir leurs compañeras pour effectuer leurs
travaux. Pour nos compañeros non plus ce n'est pas facile, mais ils font
ce que demandent notre organisation. De cette façon, nous les femmes, nous
n'avons plus à nous effacer. Nous devons nous préparer, nous former
toujours plus, pour pouvoir aller de l'avant et le plus loin possible à
tous les niveaux.

Parce que si nous ne le faisons pas, nous les femmes qui sont dans ce
monde, un monde où les femmes n'ont ni visage, ni nom, ni voix au chapitre
pour les capitalistes et les néolibéraux, les choses ne changeront pas. Il
est donc grand temps d'exercer et de faire valoir nos droits. Et pour le
faire, il suffit de posséder volonté, détermination, force et rébellion.
Et nous n'avons besoin de demander la permission à personne pour le faire.

Tout ce que nous réalisons et dont je vous parle n'est pas une invention,
ce n'est pas une simple vue de l'esprit, mais une réalité. Nous l'avons
démontré lors de la Troisième Rencontre, qui s'est tenue au Caracol de La
Garrucha il y a un an. Nous y avons parlé et expliqué nos tâches en tant
que femmes.

Mais je veux être sincère, frères et sœurs, compañeros et compañeras, et
je dois vous dire qu'il reste des communautés et des régions en territoire
zapatiste où les femmes ne participent pas encore à certains niveaux de
responsabilités. Le fait que les compañeros et les compañeras n'ont pas
encore saisi clairement l'importance de la participation des femmes à tous
les niveaux. Mais nous allons nous battre pour pouvoir réaliser ce que
c'est que d'être zapatistes et révolutionnaires.

Disons quand même qu'au cours des vingt-cinq ans d'existence de l'Armée
zapatiste de libération nationale et des quinze ans de soulèvement armé,
nous avons déjà effectué des progrès très importants. Surtout en ce qui
concerne la participation des femmes à tous les niveaux. C'est qu'il y a
vingt-cinq ans il n'y avait pas de communautés zapatistes, il n'y avait
qu'ignorance, esclavage et oubli.

Cependant, il y a quinze ans, il n'y avait guère de femmes qui étaient
dirigeants politiques. Ce n'est qu'au cours de ces quinze années de lutte
et de résistance que nous nous sommes incorporées, petit à petit, à tous
les niveaux de responsabilité et de travail.

Nous nous sommes rendu compte que oui, nous pouvons penser et décider.
Nous pouvons remplir une fonction à l'égal des hommes. Et nous pouvons,
nous les femmes, faire le travail. Cependant, tout ce que nous avons pu
réaliser au long de ces quinze ans ne suffit pas. Il y a encore beaucoup à
faire. Maintenant, ce dont ont besoin nos communautés, le Mexique notre
patrie et notre planète Terre, c'est que les hommes, les femmes, les
enfants, filles et garçons, les anciennes et les anciens se rebellent,
luttent et possèdent dignité et rage.

Quand nous aurons bien en tête et dans nos cœurs ces deux choses si
importantes, c'est ce qui nous fera aller de l'avant, jusqu'à obtenir ce
que nous voulons.

Pour terminer, nous voulons lancer un appel à toutes les femmes au Mexique
et dans le monde, nous voulons les appeler à unir nos forces, nos voix,
notre rébellion et notre rage. Nous voulons les appeler à nous battre
ensemble pour nos droits, pour notre autonomie et pour construire un monde
où il y ait place pour tous.

Démocratie, liberté et justice.

Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène - Commandement général
de l'Armée zapatiste de libération nationale.

Chiapas, Mexique, le 4 janvier 2009.

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