« Les LIP, l’imagination au pouvoir » est un documentaire, thriller, fresque historique qui raconte la grève ouvrière la plus emblématique de l’après 1968.

Les LIP, l'imagination au pouvoir

Quelques extraits tirés du site http://www.liplefilm.com/lip/spip.php?article70


Au départ, en avril 1973, quand Lip annonce aux quelque 1 300 salariés que des licenciements vont intervenir dans l’entreprise d’horlogerie, le syndicaliste ouvrier Charles Piaget se montre hostile à la grève. Il préfère que ses camarades freinent le rythme des machines et celui des mains ; mais « ils avaient tellement les cadences dans la peau que c’était pas possible de ralentir ». Ils arrêtèrent de travailler dix minutes par heure.

Ainsi commença la longue aventure des « Lip » qui, comme souvent dans l’histoire des mouvements ouvriers, partit de revendications très « raisonnables » (ne pas perdre son travail à une époque où le chômage reste modeste) et, chemin faisant, découvre que (presque) tout est possible.

En mai 68, les étudiants des Beaux-Arts n’ont-ils pas imprimé des affiches où on lit : « Ton patron a besoin de toi, tu n’as pas besoin de lui » ? Justement, mai 1968, c’est hier en avril 1973. Lip, ce sera un peu cette histoire qui recommence, mais sur son versant ouvrier et autogestionnaire.


Refus d’instruire à charge et à décharge, maîtrise des choix hagiographiques : l’accouchement de l’une des grandes utopies ouvrières françaises du XXe siècle devient modèle de l’entreprise cinématographique.

Humble et ultime film d’entreprise, donc où pointe, à travers l’aventure singulière des horlogers de Besançon - qui, il y a plus de trente ans, firent un temps échec à leur extermination sociale planifiée - une obsession déjà perçue dans l’unique incursion fictionnelle de Christian Rouaud.


L’idée du film

A l’époque du conflit, en 1973, j’étais au PSU (1) à Choisy-le-Roi, dans la banlieue parisienne. Comme mes camarades, je considérais que Lip était notre lutte : après tout, les responsables de ce conflit étaient tous membres du parti. Trente ans sont passés. J’avais l’idée de faire un film sur les années 70. J’avais fait auparavant un film sur Bernard Lambert, le fondateur des Paysans travailleurs, l’ancêtre de la Confédération paysanne. Quand j’ai présenté mon film sur Bernard Lambert à un public de jeunes, je me suis aperçu qu’ils sortaient de la projection avec le sourire. Et pourtant, que d’échecs dans la vie et le combat de Lambert ! Je me suis alors dit qu’il serait intéressant de raconter Lip aux jeunes d’aujourd’hui.

La structure du film

Pour réaliser ce film, il fallait tresser ensemble trois fils : le récit des événements, les portraits et enfin les idées politiques qui se tapissent derrière. Mon monteur, qui est aussi mon fils, a été radical. Il a coupé tout ce que lui, qui appartient à une autre génération, ne comprenait pas.

(1) Parti socialiste unifié, favorable à l’autogestion et aux luttes syndicales. La majorité, à la suite de Michel Rocard, rejoindra le PS en 1974.


LIP. Jamais trois petites lettres n’avaient eu un tel impact sur la société française.Trois petites lettres qui, à elles seules, résument le fossé entre la France des années 1970 et celle des années 2000. Les faits : en 1973, des salariés des usines horlogères LIP de Besançon s’emparent de leur outil de travail et fondent un modèle coopératif basé sur un slogan devenu célèbre : "C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie.". Cette unique incarnation des idées de Mai 68, qui va durer plus d’une décennie, est avant tout une histoire humaine. Ecoutés avec attention et respect, les acteurs de la lutte témoignent de cette épopée, de leurs engagements et de ses répercussions dans leurs vies privées. Dans un premier temps, si la forme apparemment convenue de la réalisation ne laisse pas présager de surprise, la force des récits de l’émotion toujours vive de huit d’entre eux, plus de trente ans après, nous entraînent dans un lyrisme inattendu.


Les Lip

Nous sommes au début des années 70. Les employés de l’usine Lip, basée près de Besançon et fine fleur de l’horlogerie hexagonale, se mettent en grève. Un mouvement qui va non seulement se prolonger sur plusieurs années mais aussi réinventer le principe même de la cessation de travail puisque très rapidement les ouvriers vont prendre des décisions totalement inusitées, comme celle (qui ne fera d’ailleurs pas tout de suite l’unanimité) de vendre au public le produit de leur labeur pour financer le mouvement.


La France entière vient voir les LIP, manifeste sa solidarité et leur achète des montres, en répétant leur slogan, « C’est possible : on fabrique, on vend, on se paie. » Claude Neuschwander, un proche de Michel Rocard, prend la direction de l’usine début 1974. Un peu plus d’un an plus tard, il a réembauché tous les LIP. Mais le gouvernement Chirac lui coupe les vivres : février 1976, c’est la fin de l’usine Lip de Palente.


Alors que, le 31 mars 1975, tous les Lip ont été réintégrés, que les commandes affluent, que le réseau comprend cinq mille concessionnaires bien implantés, l’entreprise se trouve confrontée à des difficultés imprévues : certains fournisseurs refusent d’honorer leurs commandes, le tribunal de commerce de Besançon contraint Lip à régler du jour au lendemain les dettes de l’ancienne direction (contrairement aux engagements pris), enfin, Renault, une entreprise publique, décide, pour équiper les tableaux de bord de ses voitures, de ne plus se fournir chez Lip, mais chez Jaeger, sans raisons apparentes… sinon la volonté, en haut lieu, d’en finir à jamais avec un symbole.


on peut dire que l’épilogue de Lip marque les premiers signes de l’offensive libérale dont les effets se font sentir aujourd’hui. On commence à passer alors d’un capitalisme fondé sur un patronat plus ou moins éclairé, (en tout cas soucieux de la bonne marche et du développement de son entreprise) à un capitalisme financier, dominé par des actionnaires pour qui seule compte la rentabilité immédiate des capitaux. Avec les conséquences que l’on sait pour les travailleurs.


Imaginez qu’à la veille de la grève de 1973, la moitié des ouvriers de Lip étaient syndiqués ! Cela fait rêver aujourd’hui, mais en même temps c’était le fruit de dizaines d’années de travail de Charles Piaget et de ses camarades, à travers des luttes partielles, des revendications modestes, des affrontements sporadiques qui faisaient progresser dans un même mouvement la prise de conscience et la syndicalisation. Et puis les idées de 68 sont encore dans les esprits, avec ce que cela suppose d’audace et d’imagination. « C’est possible », disaient-ils.

Qu’est-ce qui est possible aujourd’hui ? Je n’en sais rien, ce n’est pas à moi de le dire. Beaucoup de choses ont changé depuis cette période, la peur du chômage est passée par là, mais ce que disent les Lip c’est qu’il n’y a pas de fatalité et qu’un groupe déterminé et solidaire peut soulever des montagnes. Je pense que l’énergie dont ils font preuve dans le film pourrait bien donner des idées.

Il y a d’autres alternatives contrairement à ce qu’on nous martèle chaque jour (TINA, There is No Alternative)


Webographie :
- LIP sur wikipedia, l’encyclopédie libre autogérée
- http://www.autogestion.coop/
- L’autogestion
- ...

Bibliographie


- Autogestion et anarchosyndicalisme
- ...


http://www.autogestion.coop/spip.php?article70


Mettre à nu ce conflit de classe fondamental ne fait pas pour autant « De Lip, l’imagination au pouvoir » un film de propagande angélique où tous les travailleurs seraient gentils et l’autogestion la chose la plus naturelle du monde. L’intérêt du film réside aussi dans l’évocation des questionnements, des problématiques inhérentes à tous ces projets collectifs et émancipateurs. Que l’on travaille en autogestion dans une structure de 10 salariés ou à près de 1000 répartis en ateliers distincts, les difficultés de la gestion horizontale et démocratique se posent également : comment faire participer un maximum de monde, éviter le sectarisme et le machisme, ne pas laisser les leaders prendre trop de place, permettre à ceux qui s’expriment moins facilement de participer activement, faut il se payer pareil, etc ? tout y passe et certains des leaders de faire part de leur désappointement lorsqu’ils réalisent qu’ils ne sont pas indispensables ; d’autres d’évoquer ces « anonymes bourrus et réfractaires au travail syndical mené jusqu’alors » se révéler dans l’action être des individus de conviction sur qui il faut savoir compter…

Dans la lutte des Lip comme ailleurs, ces questions se posent, et à Lip comme ailleurs, il suffit de s’y coller pour y apporter des réponses, mais en aucun cas partir du principe que c’est impossible.