Classes-En-Lutte, octobre 2021. AESH, loi Rilhac, Plan d’évaluation en lycée… Blanquer cherche la bagarre

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AESH, loi Rilhac, Plan d’évaluation en lycée… Blanquer cherche la bagarre

AESH statut précaire jusqu’à quand ?

Si Blanquer et ses sbires se targuent d’avancées notables sur le statut des AESH en raison d’une soi-disant revalorisation de leur rémunération, dans la réalité on s’étouffe devant un tel cynisme.
Certes, et c’est un bon point, les augmentations de salaires ne sont plus dépendantes de l’entretien professionnel. Elles deviennent automatiques tous les 3 ans. L’augmentation est désormais de 10 points d’indices majorés (soit + 46,86 € sur le traitement brut mensuel pour un temps complet). Et là est tout le problème car la grande majorité des AESH ne peuvent travailler qu’à 62 % c’est-à-dire 24H/semaine puisque leur travail consiste à accompagner les élèves en situation de handicap sur le temps de classe !
Avec cette nouvelle grille salariale, un·e AESH travaillant à temps plein pendant 30 ans verrait son salaire mensuel augmenté de 398 euros!!!
Voilà la réponse de Blanquer aux mobilisations AESH d’avril et juin 2021 ! Et pendant ce temps ce même gouvernement continue à maintenir dans une précarité insupportable ce personnel en imposant la généralisation des PIAL (pôle inclusif d’accompagnement localisé) et la mutualisation des aides. Les AESH sont encore plus invisibles, plus précarisé·e·s, clairement méprisé·e·s, déplacé·e·s comme de vulgaires pions pour faire du « saupoudrage » mais en aucun cas il ne s’agit de réel accompagnement des élèves en situation de handicap quand la majorité des notifications de ces derniers ne dépassent pas 6 h/semaine.
Face à ce mépris de l’institution, les AESH vont, le 19 octobre monter à Paris pour se faire entendre à l’Assemblée Nationale ainsi qu’au ministère de l’Éducation Nationale pour réclamer une fois encore une augmentation réelle des salaires, l’abandon des PIAL et de la mutualisation des AESH, et enfin une reconnaissance du temps plein à 24 h/semaine.
On peut parier sur l’issue de ce déplacement : un silence de la part de Blanquer !
Il est temps de prendre conscience qu’avec ce gouvernement la négociation est une perte de temps (et de salaire!) Il faut vraiment engager dès maintenant un rapport de force et réfléchir avec les enseignants à une grève longue pour qu’enfin le gouvernement se rende compte que si les AESH sont absent·e·s des classes, celles-ci ne peuvent pas fonctionner et qu’il ne peut pas y avoir d’inclusion !

Dans le secondaire, la réforme en marche

Le rêve de Blanquer se réalise, et la crise sanitaire se révèle à nouveau comme une crise politique. L’an dernier, le ministre organisait l’inégal traitement des élèves en laissant aux établissements le choix dans l’accueil des élèves. Face à cette inégalité flagrante, les mouvements de grève lycéens réclamaient la validation, pour la session 2021, en contrôle continu ; et voici le ministre qui, profitant de la désorganisation qu’il a lui-même produite, passe la quasi-totalité des épreuves communes, déjà discutables, du baccalauréat en contrôle continu.
Le baccalauréat n’a jamais été égalitaire ; néanmoins, le passage en contrôle continu est une destruction en bonne et due forme de ce qui restait de commun dans l’enseignement secondaire. Désormais, le diplôme obtenu sera directement lié à la réputation de l’établissement. Du côté des personnels, c’est une pression hors norme qui nous est infligée.
Projet d’évaluation : attention piège
Les journées dédiées à la rédaction d’un projet d’évaluation sont un simulacre de démocratie, et ne sert à obtenir un semblant de consentement de la part des enseignant·e·s qui pour la plupart se battaient en 2019 contre la réforme Blanquer. Nous savons déjà, pour l’avoir vécu l’an dernier, que le contrôle continu accroît la conflictualité avec les élèves et leurs parents, en faisant reposer la charge du diplôme sur les mêmes personnes qui enseignent aux élèves. Ceci est inacceptable, et ce sont les travailleurs et travailleuses qui une nouvelle fois porteront sur leurs épaules les conséquences d’une réforme inique.
Il convient donc de refuser le plus possible tout contrôle quantitatif et qualitatif des évaluations données aux élèves, afin de protéger notre liberté pédagogique mais aussi de limiter le contrôle et l’ingérence de nos hiérarchies sur notre travail. Derrière les projets d’évaluation ne se cache aucune velléité égalitaire, nous ne sommes pas dupes !
La rentrée des classes… toujours plus d’élèves, toujours moins de postes
Après une année au cours de laquelle nous avons expérimenté, pour beaucoup, des classes à moitié moins d’élèves, la reprise est là encore une sinistre farce : la crise ne faisait que révéler l’urgence sanitaire, mais également pédagogique, de baisser le nombre d’élèves par classe, ce qui n’est possible que par le recrutement massif de personnels dans l’éducation nationale. Le ministère le sait ; mais il sait aussi que la réforme permet justement de gonfler les effectifs de tronc commun au maximum, ce dont les établissements ne se privent pas.
Des postes se voient encore supprimés, les AED et AESH sont surchargé·e·s de travail et se mobilisent contre la précarité de leur statut. Nous rappelons que sans ces personnels, les établissements, et les élèves ne pourraient être accompagnés dans leur apprentissage ; pourtant, l’heure n’est toujours pas à la revalorisation du statut et du salaire de ces travailleuses et travailleurs

École, quelle direction ?

L’école fonctionne de façon collégiale, sans hiérarchie sur place. En conseil des maîtresses et des maîtres comme en conseil d’école, personne n’est subordonné à personne. C’est ce qui permet la richesse et la diversité des équipes, travaillant plus ou moins collectivement, plus ou moins par affinités.
C’est le modèle de l’école depuis sa création autour de la Révolution, par opposition au modèle bonapartiste et libéral du secondaire, établissements dirigés par un corps de « chefs » non-enseignants. C’est son histoire. C’est sa force.

C’est ce que la loi Rilhac menace.

Il faut mesurer à quel point le quotidien des écoles serait bouleversé. Une supériorité hiérarchique de la direction, c’est bien entendu des ordres concernant aussi bien l’organisation de l’école que de chaque classe, la structure, la répartition, les commandes, les méthodes pédagogiques, les projets… Ce peut être aussi l’évaluation de celles et ceux qui sont aujourd’hui des collègues. La condition des dirlos ne serait pas enviable_: plus isolé dans leur équipe et placé sur un siège éjectable, son autorité fonctionnelle serait régulièrement réétudiée et redéfinie par l’IEN ou le DASEN, soumis à une obligation de plaire. Bref, l’ambiance de travail dans nombre d’écoles se dégraderait douloureusement.
Emmanuel Macron pousse encore plus loin le cauchemar d’une école autoritaire et concurrentielle. Il a imposé, par une expérimentation destinée à se généraliser, aux directions de cinquante écoles marseillaises de se préparer à recruter directement «leur» équipe de profs d’écoles. Ce ne serait pas seulement la fin du mouvement, ce serait la fin de la garantie d’avoir un poste. Les pays qui ont à ce point libéralisé l’emploi des professeurs (en Europe du Nord, par exemple) ont vu leur système scolaire public s’effondrer.
Ce n’est pas une nouveauté qu’un gouvernement s’en prenne à l’organisation démocratique des écoles. Les tentatives précédentes ont toujours échoué grâce à la mobilisation des instits. La dernière reculade en date est celle de JM Blanquer lui-même, en 2019, quand il a dû renoncer aux EPSF (les Établissements publics des savoirs fondamentaux, souvenons-nous) et à la supériorité hiérarchique des directions dans sa loi de «l’école de la confiance». Il ne l’a pas digérée et remet aujourd’hui le couvert, à quelques mois de son départ du ministère.
Faisons-lui manger son chapeau et ravaler sa loi, une fois encore.

Comment résister face à la dérive autoritaire des chefs ?!

Les chefs c’est comme les étagères, plus c’est haut moins ça sert, pour nous l’idéal serait de ne plus avoir de chefs et d’avoir des établissements autogérés (exemple du LAP «Lycée Autogéré de Paris») avec des collégiales mais ce n’est pas dans l’air du temps. Ces dernières années, les chefs deviennent de plus en plus autoritaires et à l’image de la transition de l’Éducation Nationale vers un fonctionnement de type privée comme à Marseille où Macron/Blanquer ont décidé de donner un pouvoir aux directeurs et directrices d’école en choisissant par exemple le recrutement des enseignant·e·s. Cela pourrait être la fin d’un système qui peut être critiquable mais qui a le mérite de prendre en compte l’ancienneté, les années en REP/REP+, le nombre d’enfants, le handicap, la situation familiale… Le système éducatif se transforme de plus en plus vers un fonctionnement de type managérial et libéral. On le voit en application depuis quelques années avec des chefs qui ne sont plus proches de leurs équipes, qui prennent des sanctions à l’encontre des collègues, qui dysfonctionnent, qui sanctionnent, qui mettent sous pressions les collègues. La salle des profs n’est plus un havre de paix et les collègues en souffrance deviennent de plus en plus la norme. Pour contrer cela, il faut résister, lutter, ne pas avoir peur de faire face aux chefs en refusant les injonctions contradictoires, refuser les inspections, dire NON, avoir les bons réflexes comme ne jamais aller tout·e seul·e à un entretien avec un supérieur hiérarchique (proviseur, inspecteur, etc.), demander sur quels textes s’appuient leurs injonctions et les mettre devant leurs contradictions.
Bref notre mot d’ordre est de résister collectivement à nos chefaillons, à plusieurs on est plus fort·e !

Que faire ? La grève

Le seul moyen de faire entendre nos revendications est de cesser le travail_; il est impensable de laisser se dérouler cette réforme et l’application de l’austérité dans nos écoles sans réagir. Aucun acquis social n’a jamais été obtenu autrement que par la lutte. Aucune réforme ne sera magiquement «retirée» autrement qu’en tordant le bras à ce pouvoir qui ne veut qu’étendre un contrôle sur l’école et ses agents. Blanquer se réjouit du faible taux de gréviste et en conclut que les profs sont donc satisfaits. Personne d’autre que nous ne peut lui faire ravaler son mépris