Classes-En-Lutte, septembre 2021. Rentrée pourrie : le virus et le ministre sont toujours là…

Finies les vacances, ça sent le cartable… Si vous avez éteint votre poste pendant deux mois, voilà une petite « remise à niveau » officielle.

Petite musique gouvernementale

La réalité que vous avez sous les yeux n’existe pas. Nous résumons pour vous les vérités du gouvernement :
- La rentrée aura lieu avec un protocole « léger », niveau 2 (jaune) sur une échelle de 4. Sachant que le niveau 4 est celui que nous avons connu au printemps dernier. La fermeture des écoles est désormais exclue dans les plans gouvernementaux .
- Pour le ministère , les vaccins protègent des contaminations et de la transmission donc les élèves vacciné·e·s ne sont plus « cas contacts ». Les profs (qui sont tou·te·s raisonnables) sont vacciné·e·s donc protégé·e·s et les élèves commencent à se vacciner avec enthousiasme (et sous l’effet du chantage à l’exclusion de toute vie sociale voire scolaire) (50 % de primo vacciné·e·s chez les 12 – 17 ans). Delta ou pas, « Il n’y a pas de contamination particulière en milieu scolaire » d’après le ministre (Blanquer le 19 août).
- Les écoles sont restées ouvertes malgré la pandémie grâce à la farouche volonté de notre Ministre (Ne cherchez pas, vous n’y êtes pour rien bande de planqué·e·s). « École ouverte », c’est d’ailleurs le titre de son dernier bouquin.
- Le laissez-passer sanitaire est démocratique et n’est en rien discriminatoire puisqu’il est constitutionnel.
« Tout est prêt » (encore) pour la rentrée en cas de fermeture de classe (Blanquer le 19 août 2021).
Sauf si le KGB renouvelle ses cyberattaques contre « ma classe à la maison » (évidemment).
- Les manifs du samedi ne sont le fait que d’une petite minorité d’égoïstes colportant des théories fantaisistes et refusant l’évidence scientifique (il faut choisir ses scientifiques, sinon, ça ne marche pas).
D’après les évaluations du ministre concernant la politique du ministre, « tous les élèves de CP savent lire » (conf de rentrée du 26 août). Ce doit être grâce au ministre.
- Les profs vont être revalorisé·e·s comme jamais aucun ministre ne l’avait fait avant lui (conf de rentrée) d’ici février 2022. Pensez à réserver votre hôtel à Gstaad pour les vacances d’hiver.

Des choix sanitaires et pédagogiques contredits par les faits

En réalité, les vaccins n’empêchent pas vraiment d’être contaminé·e et encore moins d’être vecteur du virus. L’efficacité du Pfizer s’érode au fil du temps face au delta (même s’il empêcherait encore la plupart des formes graves). Par ailleurs, le variant Delta du coronavirus est le plus transmissible à ce jour et se propage facilement chez les enfants. De fait, plusieurs pays tout à fait vaccinés (Israël, Royaume-Uni, USA…) ont récemment enregistré une proportion plus élevée de cas de coronavirus chez les enfants. En Angleterre, plus de 700 000 élèves ont été isolé·e·s après un contact à l’école durant le mois de juillet.
Donc, au collège et au lycée, la mesure qui consiste à trier les élèves et à ne garder que les vacciné·e·s en cours en cas de détection de covid+ n’est pas fondée sur le plan sanitaire, en plus d’être inégalitaire et discriminante.
Les interrogations sur l’opportunité de vacciner les personnes très jeunes restent importantes, y compris pour des instances très officielles comme le comité consultatif national d’éthique par exemple.
Les réformes nocives au service public d’éducation se poursuivent et s’accélèrent en arrière plan tandis que les préoccupations sanitaires occupent le devant de la scène médiatique : passage en force sur la transformation progressive des directeurs du primaire en supérieurs hiérarchiques, gabegie du bac « contrôle continu » et du lycée chaotique qui va avec, démantèlement programmé de l’éducation prioritaire, carnage social du kafkaïen Parcoursup, maintien des AESH sous le seuil de pauvreté… Malgré tout, le ministre défend son bilan en manipulant les chiffres comme à son habitude. Qu’il s’agisse des résultats aux évaluations, des taux de contamination en milieu scolaire ou des montants de sa dernière « revalorisation historique » des professeur·e·s, Mr Blanquer aurait besoin de quelques « vacances apprenantes » pour progresser en mathématiques (ou en sincérité).

Des choix politiques cyniques et dangereux

Pour la CNT, l’instauration du « pass sanitaire » pendant les congés d’été, consacre l’avènement d’une société de contrôle généralisée et condamne une partie significative de la population à la relégation sociale et à la misère économique. Il supprime les droits et les libertés de celles et ceux qui ont peur du vaccin, doutent de la parole institutionnelle ou refusent le chantage du pouvoir. Nous aurons dans nos classes des élèves de ces familles sacrifiées. Pour nous, le pass sanitaire est inacceptable et dangereux.
L’opposition au pass sanitaire fédère des gens de toutes sortes dont beaucoup ne sont pas fréquentables. L’extrême droite instrumentalise la confusion comme c’est son habitude. Nous participons aux luttes pour l’abrogation du pass au nom de nos valeurs et de nos intérêts de classe.
L’instauration du pass sanitaire est inacceptable parce qu’elle rend impossible les actes de la vie quotidienne pour une grande partie de la population et notamment les gens les plus éloignés des politiques de santé qui sont aussi les plus précaires. Par cette mesure, des milliers de travailleuses et de travailleurs (soignant·e·s, employé·e·s de services, de la restauration, du spectacle, de la culture, du sport, du monde associatif…), se voient menacé·e·s de mise à pied dès le 1er septembre s’ils/elles résistent aux injonctions gouvernementales.
En choisissant de désigner, dans le discours officiel, les vacciné·e·s comme des gens « responsables », « solidaires » et les autres comme des égoïstes, des complotistes, des fascistes… le gouvernement fabrique et radicalise les fractures entre différentes parties de la population. En faisant semblant de confondre les anti pass et les anti vaccins, il évacue aussi la nécessité du débat démocratique, de la transparence des informations, de l’existence de critiques sur les politiques publiques.
C’est une mesure dangereuse parce qu’elle instaure un tri entre les personnes dans l’accès aux besoins fondamentaux. En rendant les tests payants, en conditionnant l’accès aux soins courants à la présentation du pass, le gouvernement ne fait pas le choix de la santé publique, il joue avec le feu.
Certain·e·s soignant·e·s ont déjà annoncé· qu’ils·elles recevraient tou·te·s les patient·e·s qui se présenteraient sans demander le pass, des bibliothécaires sont en grève partout en France pour signifier leur refus de contrôler les usager·e·s et affirmer le droit inconditionnel d’accès aux services publics. Nous affirmons à notre tour, en tant que travailleuses et travailleurs de l’éducation, que nous refusons de trier les élèves sur des critères de vaccination. Nous refusons cette politique à moindre coût qui consiste à surcharger les classes et à se débarrasser des élèves qui ne seraient pas vacciné·e·s en cas de contamination. Nous refusons de faire cours en « présentiel » le jour et en « distanciel » le soir car rien ne justifie cette discrimination et que ce double travail est impossible. Nous rappelons que le « guide » et les circulaires qui préconiseraient une discrimination vaccinale pour les élèves ou les personnels n’ont, à ce jour, aucune valeur légale ou réglementaire. Bien conscient d’être en dehors du cadre légal, le ministre a dernièrement annoncé dans la presse qu’une simple attestation des parents sur la qualité vaccinale de leurs enfants suffirait pour leur permettre de poursuivre les cours en présentiel. Les documents ministériels de cadrage pour la rentrée n’ont toutefois pas été modifiés en ce sens. En reportant sur les familles la responsabilité de ce tri, Blanquer rajoute à la confusion et à l’hypocrisie.
Une nouvelle fois, il fait enfler l’audimat en multipliant les annonces sur la vaccination de masse dans les établissements scolaires et « oublie » d’expliquer comment, sans moyens supplémentaires, les personnels pourront gérer ce genre d’usine à gaz et dans quel cadre réglementaire l’éducation nationale va pouvoir s’aventurer sur le terrain médical.
En lieu et place de ces mesures anti-sociales et des coups de com’, nous revendiquons toujours une vraie politique de santé et d’éducation publiques : recrutement pérenne de personnels, ouverture de lits d’hôpitaux et de classes allégées. Nous exigeons la levée des brevets sur les vaccins pour lever toute ambiguïté entre mesures de santé et enrichissement particulier, mais aussi pour permettre la vaccination partout dans le monde pour toutes celles et ceux qui le souhaitent. Nous exigeons des moyens à la hauteur des enjeux sanitaires pour la recherche publique, pour les traitements curatifs et les outils de prévention autant que pour les vaccins. Pour ça nous défendons la socialisation des entreprises pharmaceutiques et la solidarité internationale pour mettre en commun les moyens humains, financiers et matériels. Nous voulons la fourniture de protections efficaces gratuites pour les personnes en ayant besoin ainsi que la gratuité des tests.

Puisque le gouvernement ne négocie rien, il faut lutter.

Pour nous, il ne s’agit pas de demander aux pyromanes des mesures pour éteindre le feu. Nous n’obtiendrons rien de ce gouvernement qui défend les intérêts particuliers d’une classe de privilégiés et qui s’acharne dans l’accentuation des politiques capitalistes austéritaires qui nous ont conduits là où nous en sommes. Nous laissons les démocrates responsables et mesurés demander au pouvoir des aménagements de primes, des chefs compréhensifs et des accélérations d’échelons. Pour notre part, nous savons que nous ne sortirons ni de la situation pandémique, ni des inégalités sociales et éducatives, ni de la catastrophe écologique, si nous ne changeons pas radicalement l’organisation du pouvoir politique et de mode de production économique. Aussi, nous restons outrancièrement révolutionnaires. Cette année encore, nous prendrons notre part dans tous les combats, petits ou grands, pour l’égalité économique et sociale et les libertés publiques.
La CNT éducation appelle l’ensemble des collègues à ne pas se laisser aveugler par les justifications sanitaires et à refuser de mettre en œuvre les mesures discriminatoires qui viseraient les collègues, les élèves ou leurs familles.
La CNT éducation s’efforcera de soutenir les collègues qui s’organiseront collectivement :
Pour dénoncer et résister aux pressions mises sur les un·e·s et les autres qui refuseraient de se plier aux injonctions toujours plus sécuritaires, clivantes, stigmatisantes de nos hiérarchies.
Pour refuser le tri des élèves, le non respect de l’accueil inconditionnel et l’instrumentalisation de la situation sanitaire pour instaurer une société de contrôle.
Pour obtenir les moyens nécessaires permettant de s’adapter aux circonstances sans impacter négativement nos conditions de travail. Car comme c’est nous qui travaillons, c’est nous qui décidons !
Pour rejoindre les secteurs en lutte pour un refinancement des services publics, une revalorisation des personnels et de tous les bas revenus, un refus du recours systématique aux contrats précaires.

#s2dé, la bonne direction… si c’est dans le mur !

S2dé, c’est l’acronyme d’un nouveau « syndicat » des directeurs et directrices d’école. Chut ! L’histoire va commencer.
Le 10 juillet 2021, une bande de petits cheffaillons en mal de reconnaissance partent en colo entre eux et escamotent un vrai lobby derrière un syndicat des directeurs dans le premier degré.
Ces derniers se plaignent d’être « chefs de rien et responsables de tout » à l’école. Pour eux l’urgence est de statuer sur une fonction d’autorité dans les écoles afin d’améliorer leur quotidien, pensent-ils naïvement ou de façon carriériste.
En tête de gondole, récupération éhontée de l’écriture inclusive – seul écran de fumée de leur consanguinité avec le ministre – réseaux sociaux, articles de presse et courriers auprès des députés.

Réseautage à tous les étages

À la barre Thierry Pajot, militant lrem qui mesure la réalité de terrain en abonnés facebook (moins de 1 000 abonné·e·s sur 50 000 directeurs et directrices en France).
Lors de leur congrès on notera également l’intervention de la députée Cécile Rilhac porteuse de la loi pour des chefs dans le premier degré ainsi que de Alain Rei du GDID (groupement de défense des idées des directeurs), ardent pourfendeur de l’horizontalité dans les écoles.
En devoirs de vacances, ils écrivent des lettres aux députés et ministres pour dire qu’à la rentrée ça serait bien que la loi de leur copine Cécile soit revotée parce que ça leur plairait vachement d’être vraiment des chefs.

#s2dé, la bonne direction ?

Dans leur propagande ça ne parle que de direction, jamais d’éducation.
Ils n’ont visiblement rien à redire sur le fonctionnement managérial de l’école start-up, les réformes Blanquer, les injonctions contradictoires, les outils de pilotage, de contrôle, de fichage, le manque de moyens, etc.
Dans un article de presse une directrice se plaint qu’ils ne sont pas des chefs d’entreprise et à la lecture on sent bien que ce qui la gêne c’est de ne pas être chef alors que l’école entreprise ça passe crème.
Ce qu’ils veulent, c’est avancer avec leur temps en commençant par obtenir le képi et le carnet à souches qui leur permettront de fliquer tou·te·s leurs collègues et de mettre les réfractaires au pas, d’outrepasser les décisions collégiales et de se faire mousser auprès de l’institution en lui étant soumise (on dit « loyal »).
Entre–soi, lobbying, management et autoritarisme, leur direction ne sera pas la nôtre.
Nous ne voulons pas de chefs dans nos écoles !
Tout comme leur ministre, ces pantins ne manquent pas de cynisme quand il s’agit d’instrumentaliser le suicide de Christine Renon – une collègue directrice – afin de servir leurs intérêts carriéristes.
Une aubaine pour Blanquer qui est passé en force cet été en donnant une « autorité fonctionnelle » aux directeurs totalement déchargés comme un test d’une loi Rilhac qui semble inéluctable.
Là il n’a même plus besoin de se créer un fan club et aura avec ce syndicat une pseudo-légitimité de terrain et un réservoir de chefs acquis à sa propagande. Jean–Michel sait bien que quand on s’adresse à des « syndicats » fabriqués de toutes pièces par ses propres services, ça fluidifie utilement le dialogue social.
En guise de cadeau de baptême, Jean–Michel ne devrait pas tarder à leur envoyer les caisses de champagne promises à un autre syndicat fantoche – Avenir Lycéen.

E3C, sans-papiers… la répression continue !

Le 21 août 2021, Édouard Descottes, enseignant d’Histoire-géographie au lycée Jean Macé, militant au Snes et à LO, a été sanctionné par le rectorat de Rennes par une mutation d’office en zone de remplacement dans le collège de Melesse à 14 km de Rennes. Que lui reproche-t-on ? D’avoir manqué à des exigences pédagogiques sans se soucier d’ailleurs de la période exceptionnelle que nous vivons. D’avoir participé au mouvement de protestation contre les E3C en incitant les élèves à se mettre en grève. D’avoir organisé au sein du lycée une réunion le soir après les cours en présence d’élu·es parent·es d’élèves et d’enseignant·es à propos de la défense d’une élève de l’établissement menacée par une OQTF. La sanction est ainsi d’ordre syndical et politique. On lui reproche d’avoir enfreint « l’obligation de neutralité » qui incombe à tout·e fonctionnaire et d’avoir par tous ces manquements porté atteinte à « l’image et à la réputation du service public d’éducation nationale » .
Cette sanction gravissime vise à humilier un enseignant sous prétexte de manquement pédagogique. En effet, l’idée du rectorat est de permettre à cet enseignant de revenir aux fondamentaux d’un serviteur de l’Éducation nationale (tenue d’un cours, rédaction du cahier de texte, souci des élèves…). Cette attitude condescendante est une seconde sanction car Édouard, habitué à des lycéen·nes depuis 20 ans, sera dans l’obligation de construire pendant l’année tous ses cours et les adapter à un public qu’il connaît mal. Ce rabaissement vise à museler un syndicaliste et servir d’exemple. Nous voyons comment la notion de fonctionnaire est réduite à la seule idée de soumission, sans pouvoir exercer aucune action ou critique vis-à-vis du devenir de l’Éducation nationale ou de la fonction publique.