Classes-En-Lutte, été 2021. Thiers-Ferry-Blanquer : une école contre le peuple. Une continuité historique. Intervention intergalactique.

Classes-En-Lutte, été 2021. Thiers-Ferry-Blanquer, une école contre le peuple. Une continuité historique.

Le 12 juin dernier à Paris dans le 2Oè arrondissement, une déambulation était organisée pour “célébrer les Communardes intergalactiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain et pour “accueillir nos sœurs de lutte zapatistes !”*  A cette occasion, Nathalie A. de la CNT 75 est intervenue pour parler d’éducation intégrale.

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Le 12 juin dernier à Paris dans le 2Oè arrondissement, une déambulation était organisée pour “célébrer les Communardes intergalactiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain” et pour “accueillir nos sœurs de lutte zapatistes !”*  A cette occasion, Nathalie A. de la CNT 75 est intervenue pour parler d’éducation intégrale.

* Une délégation zapatiste est attendue en Europe cet été. Lire la déclaration ici :

http://www.cnt-f.org/fte/2021/01/01/2021-pour-la-vie-les-zapatistes-visiteront-les-5-continents/

Une première délégation est arrivée à Vigo (Galice) le 22 juin. Elle devait converger sur Paris avec une délégation de 150 militantes venues d’avion du Mexique. Les contraintes sanitaires vont retarder cette organisation.

L’enfant n’est pas un vase qu’on emplit mais un feu qu’on allume ! Citation de Montaigne.

Ainsi, les pédagogies nouvelles sont l’affaire de la Commune. Une question cruciale dont tout découle : émancipation, justice, droit au bonheur.

Ici sont développées les méthodes expérimentales loin des leçons rébarbatives et du par cœur des écoles confessionnelles.

Une éducation intégrale, sans hiérarchie entre les activités manuelles et intellectuelles. C’est en se mettant debout et en libérant sa main que l’espèce humaine a développé son intelligence et non l’inverse !

Une école pour déprendre les enfants du labeur qui les rive au piquet de l’exploitation dès leur plus jeune âge.

La guerre que Thiers mène contre l’émancipation est totale ; il réclame des curés, des curés, encore des curés ! « Je préfère l’instituteur sonneur de cloches » dit-il,  à l’instar de Sarkozy en 2007 « L’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ». Des curés pour propager l’idée que les hommes et les femmes sont sur Terre pour souffrir.

Maria Verdure, 22 ans en 1871, membre de la Société pour la revendication des droits de la femme, crée avec son mari, Elie, le premier projet d’une crèche laïque.

Marguerite Defoucault publie le 16 mai 1871 « L’école Communale » au sens de bien commun… L’enfant doit jouer et courir en liberté, pas d’enseignement autoritaire, pas d’humiliations, ni de punitions… 

L’école-atelier contre l’école-caserne.

Céleste Hardouin institutrice à Paris, communarde, emprisonnée, témoigne des conditions de détention à Satory. Elle est féministe, milite pour l’établissement de l’instruction obligatoire pour les femmes, pour l’égalité des sexes.

Marguerite Guerrier alias Victoire Tinayre, institutrice, ouvrière lingère, inspectrice des écoles de filles du XIIe arr. sous la Commune de Paris ; membre de l’Internationale ; auteure de romans et d’ouvrages de pédagogie. Elle attachait une grande importance à l’éducation des masses par une participation active aux sociétés de secours mutuels et aux coopératives de consommation. Dans Un rêve de femme, elle décrivait comment un village miséreux se transforme peu à peu grâce à une réorganisation du travail. Elle écrivit deux romans sociaux à succès, puis La misère et Les mépriséEs avec Louise Michel. Cette collaboration fut difficile en raison notamment de divergences idéologiques, Tinayre adoptant petit à petit une perspective réformiste sur les luttes sociales.

Louise Michel enfin, Louise Michel toujours, institutrice pour l’émancipation intégrale, pour que les femmes ne soient plus éduquées à la soumission et à l’abnégation. Les filles, élevées dans la niaiserie, sont désarmées tout exprès pour être mieux trompées. », écrit Louise Michel dans ses Mémoires.

Louise qui sans relâche, croit en l’éducation émancipatrice, contre les mensonges et les injustices de classe, les atrocités de la guerre, le colonialisme et l’asservissement des peuples colonisés, la lumière de la science contre les ténèbres de l’ignorance, de la religion et de l’asservissement.

Louise qui est renvoyée parce qu’elle refuse de prêter serment à l’Empire et qu’elle le clame haut et fort lorsque le recteur la convoque ; oui tout ce qu’on dit d’elle est vrai, elle est républicaine et veut combattre le pouvoir. Rien n’est plus décisif que l’éducation, le partage du savoir : il faut que les sciences soient pour toutes et tous. En fait, elle n’a pas cessé de le répéter, il faut que tout soit pour toutes : les sciences, la poésie, les arts, la liberté, le pain, bien sûr, mais le pain, tout seul, sans les connaissances et la création, ça ne vaut pas grand- chose.

Non elle n’a pas honte, en finira-t-on jamais avec tant de misère ? Où serait la honte d’être du côté du peuple, de se tenir toujours auprès des misérables ? Faudrait-il avoir honte de haïr ceux qui s’engraissent sur le dos des faibles ?

 « Il faut, enfin, qu’un manieur d’outil puisse écrire un livre, l’écrive avec passion, avec talent, sans pour cela abandonner l’étau ou l’établi. Il faut que l’artisan se délasse de son travail journalier par la culture des arts, des lettres ou des sciences, sans cesser, pour cela, d’être un producteur. » (16).  Une école polytechnique.

A l’école pour le peuple qui réussit si bien Jules Ferry  va substituer l’école contre le peuple, sur le modèle des écoles chrétiennes. Où il faut rester assis, apprendre à marcher en rang, écouter pendant des heures un maitre modèle. C’est aussi le retour des châtiments corporels et des humiliations, de l’instruction civique et morale, l’école du par cœur, et surtout celle qui apprend le respect du maitre, du patron, du chef et de l’Empereur. Ferry le dit lui-même : il faut en finir avec le siècle des révolutions.

Son école va s’y employer et remplit à merveille, 150 ans plus tard, ses missions : aujourd’hui seul un étudiant, une étudiante sur 10 est enfant d’ouvrière. Plus du tiers des étudiantes sont enfants de cadres supérieurs, seulement 12 % ont des parents ouvriers. Les jeunes de milieu populaire sont très rarement présents dans les filières sélectives, en master ou en doctorat. Ce n’est pas une fatalité, c’est un choix historique, politique.

Le combat pour une école du peuple, va rester d’une actualité brûlante tout au long du 20è siècle. La pédagogie Freinet va le porter très haut. Elise et Célestin Freinet entre autres, ce dernier est déplacé d’office sous la pression des bourgeois de St Paul, où iels enseignent.

Aujourd’hui, ce sont les mêmes maux, les mêmes méthodes qui sévissent sous le ministère Blanquer : surveillance accrue de la pédagogie, dédale de parcours sup pour mieux égarer les élèves des classes populaires, hausse exorbitante des frais d’inscription à la fac, culture de l’évaluation et déplacement d’office pour les récalcitrantes ; à l’instar des 4 de Melles, sanctionnées en septembre pour faits de grève ou Hélène C. déplacée d’office –elle aussi !-  en plein milieu d’année, parce que militante syndicale et Freinet…

Au Chiapas aussi, l’éducation est au centre des enjeux de transformation sociale.

Comme pour les Communardes, l’école est basée sur la réappropriation de leur histoire par les opprimé.es,  en l’occurrence l’histoire Maya, sans laquelle l’émancipation est un vain mot. Savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va.

Une école pour « Abrir los ojos », ouvrir les yeux, au sens de prendre conscience. Inventer des nouveaux savoirs. Penser et concrétiser la solidarité, l’entraide, donner corps aux inventions collectives …

Chacun.e est promotrice d’éducation – ce n’est pas l’affaire des spécialistes. La fonction d’enseignant.e est exercée sous forme de mandat. Ce sont les paysans et les paysannes qui prennent cette charge pour un temps défini et retournent ensuite aux autres travaux utiles à la communauté. Une école au service du peuple, par et pour le peuple !

Aujourd ‘hui, au Chiapas ou à Paris, nous sommes des passeuses, des allumeuses d’étoiles et rien ni personne ne peut nous empêcher de garder au cœur de nos classes, avec nos élèves, le temps des cerises et le goût du bonheur partagé.