“Libre sous le ciel flamboyant”*

18 mars 1871.  Il y a 150 ans la Commune de Paris,  puis les Communes de Lyon, Marseille, Le Creusot, Saint-Etienne, Narbonne, Toulouse… pour quelques jours ou soixante douze. Et toujours à faire revivre tant il y a urgence à se débarrasser des aristocrates du capital, ces nouveaux versaillais.

 18 mars – 28 mai 1871. Ouvriers, couturières, blanchisseuses, chapelières, institutrices, journalistes, écrivains, poètes… émigrées russes ou polonaises… veulent changer la vie. Après plus de vingt années de Louis-Napoléon Bonaparte, l’homme « ni de droite ni de gauche », premier président élu au suffrage dit « universel » mais excluant les femmes…,  le peuple de Paris veut en finir avec l’Etat policier, briseur de grèves et une ville assiégée par la guerre.

 Paris devenu incontrôlable, le gouvernement dirigé par Adolphe Thiers envoie l’armée récupérer les canons entreposés sur la Butte Montmartre.

Louise  Michel. « Montmartre s’éveillait (…) La butte était enveloppée d’une lumière blanche, une aube splendide de délivrance.

Tout à coup je vis ma mère près de moi et je sentis une épouvantable angoisse ; inquiète, elle était venue, toutes les femmes étaient là montées en même temps que nous, je ne sais comment.

Ce n’était pas la mort qui nous attendait sur les buttes où déjà pourtant l’armée attelait les canons, pour les joindre à ceux des Batignolles enlevés pendant la nuit, mais la surprise d’une victoire populaire.

Entre nous et l’armée, les femmes se jettent sur les canons, les mitrailleuses ; les soldats restent immobiles.

Tandis que le général Lecomte commande feu sur la foule, un sous-officier sortant des rangs se place devant sa compagnie et plus haut que Lecomte crie : Crosse en l’air ! Les soldats obéissent. C’était Verdaguerre qui fut, pour ce fait surtout, fusillé par Versailles quelques mois  plus tard.

La Révolution était faite. »**

P.O. Lissagaray. « Paris ne connut sa victoire que le 19 au matin (…) Avec les brouillards du matin, l’armée, le Gouvernement, l’Administration se sont évaporés. »***

Le 20 mars,  le gouvernement et l’Assemblée nationale se réfugient à Versailles. Le Comité central de la Fédération républicaine de la Garde nationale, les fédérés sont installés depuis la veille à l’Hôtel de Ville à Paris. Des élections municipales sont fixées au 26 mars.

Le 28 mars, la Commune de Paris est proclamée.

Jules Vallès. «  Quelle journée ! Ce soleil tiède et clair qui dore la gueule des canons, cette odeur de bouquets, le frisson des drapeaux ! le murmure de cette Révolution qui passe tranquille et belle comme une rivière bleue (…) O grand Paris ! (…) bivouac de la Révolution ! Quoi qu’il arrive, dussions-nous être de nouveau vaincus et mourir demain, notre génération est consolée ! – Nous sommes payés de vingt ans de défaites et d’angoisses. »****

Au grand soleil du monde, les « braves Communalistes »***** engagèrent des mesures immédiates : « l’annulation des arriérés de loyers (la dette des foyers !), la suspension de la vente des objets engagés au mont-de-piété, la suppression de la préfecture de police, la « propagation de l’enseignement laïque intégral », le principe de l’élection appliqué à tous les fonctionnaires ou magistrats avec mandat impératif « c’est-à-dire précisant et limitant le pouvoir et la mission du mandataire ».

Gustave Lefrançais. « Le 2 avril 1871. Tout Paris – bourgeois et prolétaires –  est outré d’indignation Versailles a pris l’initiative de la guerre civile et, sans provocation aucune, a fait tirer sur les nôtres aux avant-postes de Courbevoie. »******

Tout le mois, alors que les versaillais bombardent Paris,  le conseil de la Commune décrète la séparation de l’Eglise et de l’Etat (le 2 avril) et « un salaire maximum pour les fonctionnaires »  ; le 6 avril, des Gardes nationaux brûlent la guillotine ; l’union libre est reconnue via un décret sur le versement des pensions (10 avril) ; le 14 est négocié un étalement des dettes des petites entreprises sur trois ans (contre trois mois pour la loi versaillaise) (7). Le 16,  l’exploitation des ateliers et des fabriques abandonnées  est confiée aux coopératives ouvrières. Le 20, un décret interdit le travail de nuit dans les boulangeries. Le 24, les logements vides sont réquisitionnés. Le 27, les amendes et les retenues sur salaires sont abrogées  – utilisées par les patrons comme moyen de pression, il faudra « attendre les années 1970 pour que celles-ci soient définitivement interdites » (8) ; les bureaux de placement surveillés et coûteux pour les ouvriers (les placeurs prélevant des commissions sur l’embauche) sont supprimés ; les Communard.es sollicitent les mairies d’arrondissements pour ouvrir les premières Bourses du travail.

Le 16 mai, la colonne Vendôme, éloge de la barbarie militaire, est détruite.

Le 21 mai paraît le décret sur l’égalité des salaires « entre les enseignants des deux sexes ». Ce même jour, les armées de Thiers entrent dans Paris. Une répression féroce s’abat sur la Commune : la semaine sanglante.

72 jours : le Temps des cerises.

Arthur Arnoult. « Nous étions surmenés de travail, accablés de fatigue, n’ayant pas à nous une minute de repos, un instant (de) réflexion calme (…) Nous ne dormions pas. Pour mon compte, je ne me rappelle pas m’être déshabillé, couché, dix fois dans ces deux mois. Un fauteuil, une chaise, un banc, pour quelques instants souvent interrompus, nous servait de lit. » (9)

Victorine Brocher. « Je dois dire que je suis petite de taille, plutôt faible. Chose surprenante, toute ma vie j’ai été timide et souvent malade, ne sortant presque jamais, mais pendant huit mois de lutte, exposée à toutes les misères, aux intempéries, manquant de nécessaire, jamais je ne me suis aussi bien portée que pendant cette période. » (10)

Les Communardes, les Communards ont voulu faire table rase du passé.

Sans sauveurs, ni tribuns.

Elles, ils ont décrété le salut commun.

« L’Etat comprime et la loi triche ».

« Nul devoir ne s’impose aux riches »

Les rois de la finance

« Ont-t-ils jamais fait autre chose »

 Que dévaliser le travail ? »

« Combien de nos chairs se repaissent !

Mais si les corbeaux, les vautours,

Un de ces matins disparaissent,

Le soleil brillera toujours. » (11)

Vive la Commune

Nada

Pour en savoir beaucoup plus et mieux :

– Sur l’actualité des 150 ans de la Commune : nouvelles publications,  spectacles, débats, actions, manifs…

–  le dernier ouvrage de Ludivine Bantigny, La Commune au présent. Une correspondance par delà le temps, éditions la Découverte, 2021

Ludivine Bantigny était sur Radio Libertaire, l’émission de la CNT éducation 93

Carolyn J.Eichner, Franchir les barricades « les femmes dans la rue », La Sorbonne 2020.

– Le blog de Michèle Audin :  https://macommunedeparis.com/

Josée Meunier, 19 rue des Juifs, roman, L’Arbalète-Gallimard. Il vient de paraître : mars 2021
Les comptes macabres de la Semaine sanglante, entretien avec Mathieu Léonard, 
CQFD 196 (mars 2021).
La place des femmes dans la Commune: mythes et réalités, 
Courant alternatifn°308.
La Semaine sanglante. Mai 1871. Légendes et comptes, Libertalia.
Le Journal officiel publié à Paris pendant la Commune de 1871, introduction au livre 
La Commune au jour le jour, Syllepse.
C’est la nuit surtout que le combat devient furieuxAlix Payen, ambulancière de la Commune, Libertalia, 2020.

Eugène Varlin Ouvrier relieur 1839-1871, Écrits rassemblés et présentés par Michèle Audin, Libertalia, 2019

Comme une rivière bleue, roman, L’Arbalète-Gallimard, 2017.

– Ou encore, le site des ami.e.s de la Commune : https://www.commune1871.org

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* Louise Michel, Chanson des prisons  et  **La Commune (page 178),  éditions La Découverte /Poche. Nouvelle édition établie et présentée par Eric Fournier et Claude Rétat, 2015.

*** Prosper-Olivier Lissagaray, Histoire de la Commune de 1871 (page 120), La Découverte / Poche

**** Jules Vallès, Le Cri du peuple du mardi 28 mars 1871, éditions les Yeux ouverts, 1968.

***** L’expression est de P. O Lissagaray citée dans  La Commune au présent de Ludivine Bantigny,  page 21.

***** Gustave Lefrançais, Souvenirs d’un révolutionnaires, de juin 1848 à la Commune (page 420),  éditions La fabrique, 2013

(7)  Robert Tombs, Paris, bivouac des révolutions. La Commune de 1871, éditions Libertalia, 2016, page 169.

(8)  Archives de Paris. http://archives.paris.fr/a/862/notification-aux-mairies-d-arrondissement-du-decret-sur-la-suppression-du-travail-de-nuit-des-boulangers/

(9) Arthur Arnould, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris cité par Robert Tombs  (page 153).

(10) Victorine Brocher, Souvenirs d’une morte vivante. Une femme dans la Commune de 1871 (page 217),  éditions Libertalia, 2019

(11)  Eugène Pottier, L’internationale, 1871