Universités. Rentrées en « bordelentiel », acte II

Rentrées à l’université. La cacophonie est la règle tant les verrous sont nombreux (…) Aucun plan ne permet un accueil cohérent des étudiant.es. Des enseignant.es se démènent, luttent contre la bureaucratie, pour obtenir des salles, alors que la fac est presque vide… Communiqué.

Alors que personne ne peut se cacher derrière son petit doigt pour ne pas voir la détresse étudiante, nourrie en partie par un pilotage invraisemblable, à tous les niveaux politiques et bureaucratiques, on s’est réjouis de la possibilité à pouvoir accueillir les étudiant.es de L1 dès le 25 janvier. À l’Université Bordeaux Montaigne, la décision de la CDUFRI permet « la possibilité de revenir sur site pour les TD pour tous les niveaux, en demi-jauge », suite à l’annonce du Président, traduite par la circulaire du MESRI 22 janvier.

Or, la cacophonie reste la règle, aucun message clair, aucun plan ne permet un accueil cohérent des étudiant.es. Des enseignants se démènent, luttent contre la bureaucratie, pour obtenir des salles, alors que la fac est presque vide… Pas simple de mettre en place des cours en chair et en os, tant les verrous sont nombreux. D’ailleurs, un examen des messages envoyés par la présidence montre bien qu’elle martèle l’antienne « c’est trop compliqué». De plus, dans certains départements, des décisions ahurissantes sont prises  pour empêcher un retour à la fac et ne maintenir que des cours à distance. Tout ceci va donc à l’encontre de ce qui devrait être la priorité : rompre l’isolement, en particulier celui des plus fragiles, les étudiant.es de L1. Pour l’heure, les premières victimes de l’absence de courage de l’université sont pourtant bel et bien… les étudiant.es.

Comment expliquer ce non-sens ? Est-ce par déni de la précarité et de l’isolement étudiants que les cours à distance sont maintenus de façon obstinée ? Est-ce parce que l’université est plongée tête baissée, sans aucune réflexivité, dans une croyance en l’intérêt supérieur de l’accomplissement des objectifs pédagogiques habituels, alors que la situation est un peu exceptionnelle ? Est-ce pour rentabiliser les pantoufles molletonnée de compétition achetée par celles et ceux pour qui les restrictions ne sont, dans le fond, pas un si grand désagrément ? D’où vient ce renoncement à accomplir les missions de l’université : lieu d’apprentissage et de formation, certes, mais surtout lieu de vie, de rencontres et de découvertes. La vie dans ce lieu est dégradée, mais on peut encore en faire un lieu d’expérience réelle. Ne cautionnons pas les simulacres d’enseignement via le numérique, ne soyons pas complices du tournant virtuel. Qui préfère le sexe virtuel au réel ? 

Nombreux sont celles et ceux qui attendent le confinement, pour terminer tranquillement le semestre à la maison. On sait pourtant que l’enseignement à distance renforce les inégalités, qu’un.e étudiant.e sur deux n’a pas d’ordinateur personnel. On se doute bien que le confinement des corps et des esprits a des conséquences insidieuses. L’université se résumerait-elle en un fournisseur de capital disciplinaire, valorisable ensuite sur un marché du travail dont on voit déjà la dégradation ? Quel sens donner à la formation, à l’ « acquisition » de compétences quand l’horizon est celui qu’on entrevoit ? Les étudiant.es se posent ces questions. Leur participation à la manifestation du 26 janvier a bien confirmé leur volonté de se réapproprier la fac. Par une consternante ironie, à cette démonstration évidente d’attachement, l’administration répond par de nouvelles maquettes de licence aux volumes horaires réduits. Comme à l’hôpital, la logique gestionnaire étrangle le service public et bien peu s’en émeuvent. Continuons de faire, avec moins. Jusqu’à quand ?

L’obstination à maintenir les programmes initiaux avec les modalités d’enseignement dégradées, sans égard pour la pression que cela exerce sur les étudiant.es, repose sur un argument discutable : la valeur du diplôme. Camarades : la crise est partout, toutes les institutions d’enseignement (sauf celles d’élite) sont impactées. On veut faire croire que les jurys seront bienveillants, qu’ils seront les lieux de prise en compte du contexte difficile, en bout de chaîne donc… Pourtant, on anticipe bien la logique comptable dans la validation des semestres. Qui recalerait une part trop importante d’une promotion alors qu’il faudra bien laisser la place à la cohorte suivante ?… Mécaniquement, le taux d’échec ne peut pas être supérieur à la norme. C’est ainsi.

Dans l’imbroglio juridique, puisqu’il existe des marges de manœuvre ou failles qui permettent l’accueil des étudiant.es, la CNT Sup. Rech. demande à ce que toutes les mesures soient prises pour favoriser le retour des étudiant.es à l’université et à ne plus cautionner l’université virtuelle dont on observe déjà les dégâts immédiats et imagine ceux à venir. Les TD en salle doivent être la norme, pas l’exception. Des mesures peuvent être prises localement pour se réapproprier nos locaux, bien vides, et pourtant chauffés, avec wifi. Que l’université clarifie sa position politique au sujet des modalités d’enseignement. Que l’université soit à la hauteur de ce qu’elle doit aux étudiant.es, et au personnel tant qu’à y être.

Section CNT Sup. Rech. de l’Université Bordeaux Montaigne

CNT-SupRech@u-bordeaux-montaigne.fr