Retour à l’université, sacre du « bordelentiel » ?

Mercredi 20 janvier, les étudiant.es expriment leur colère dans les rues. A lire ci-dessous, le communiqué de la CNT sup. recherche de l’Université Bordeaux Montaigne.

Retour à l’université, sacre du « bordelentiel » ?

La routine du travail à la maison est bien installée, revenir à l’université est devenu l’anormalité, la fac virtuelle est devenue réalité. Personnels et étudiant.es sont dépossédé.es de leur université. Les enseignant.es sont dépossédés de leurs enseignements, ils doivent s’adapter à la contrainte du numérique. Les étudiant.es sont dépossédés de leur vie d’étudiant.e., subissant la crise sanitaire et la pression des universités qui persistent dans leur logique d’évaluation, alors que les conditions d’enseignement sont au mieux « dégradées »… et qu’une bonne partie des étudiant.es cherchent à subvenir à leurs besoins fondamentaux. L’université ne semble manifestement pas la priorité de ce gouvernement comme des précédents (baisse des recrutements de maîtres.ses de conférences et de professeur.e des universités alors que le nombre d’étudiant.es augmente…). Les classes préparatoires, les BTS continuent à fonctionner en salle, dans les lycées. Ces gouvernements ne connaissent pas l’université puisqu’il n’y ont pas mis les pieds, étant plutôt passés par les dispositifs d’élite, cette dernière prouvant d’ailleurs au quotidien ses compétences.

L’université numérique est un projet politique. Plusieurs rapports recommandent le numérique, par exemple celui du bien nommé Institut Montaigne où on peut lire « Le numérique, à la fois comme outil de rationalisation et de meilleure gestion de nos établissements, mais également comme savoir fondamental à délivrer aux étudiants, doit être intégré de manière systématique aux réformes de notre système d’enseignement supérieur [ ] levier principal principal de la compétitivité »[1]. On comprend bien quelle est la mission de l’université selon cette vision néolibérale de l’enseignement supérieur, marché où se développe fortement l’offre privée (1 étudiant sur 5 en France étudie dans le privé). La mise en concurrence des diplômes n’est pas, elle, une fiction, la gouvernance par les nombres, non plus. Voudrait-on saborder le service public d’enseignement supérieur qu’on ne s’y prendrait pas mieux (Cf Loi de programmation de la recherche LPPR passée au pas de charge avec de réels dénis de démocratie, etc. ).

Pourtant, on sait bien que le virtuel ne remplace pas le réel (qui préfère l’amour virtuel ?), que l’enseignement à distance renforce les inégalités, entérine l’isolement, renforce l’affaiblissement du lien social et l’atomisation de la société. On sait bien qu’un enseignement, qui plus est un TD, est un moment où les étudiant.es ont l’opportunité de confronter leur argumentation avec leurs enseignant.es et leurs camarades, d’exposer leur production, de mettre à l’épreuve leur esprit critique. Quelles « compétences » apprend-on derrière un écran ? On voudrait nous faire croire que le virtuel ne change pas la nature même de l’enseignement, celle du lien social, et qu’aucune boite de Pandore n’est ouverte en validant la fac virtuelle.  

 Interdit ! Amphi vide tout comme la grande majorité des salles de cours, un jour de rentrée, le lundi 18 janvier 2021, Université Bordeaux Montaigne.

À Bordeaux Montaigne comme ailleurs, le monde universitaire reste suspendu aux annonces gouvernementales. Finalement, les cours en TD sont autorisés dès le 25 janvier, en demi groupe (demi jauge des salles), et pour la première année de licence seulement. Les deuxièmes et troisièmes années, les masters, devraient patienter jusqu’à la seconde semaine de février pour revenir faire cours en salle, en demi groupe. Pour les CM, en poste derrière les écrans. Pourtant, si le monde médiatique relaye la détresse réelle étudiante, d’ailleurs illustrée par de récents drames, à l’Université Bordeaux Montaigne, aucun message clair n’est envoyé pour faire en sorte que la vie universitaire puisse reprendre, avec toutes les contraintes liées au contexte sanitaire, dès le 25 janvier. C’est bien le contraire, les dirigeants ne font que souligner les difficultés organisationnelles à faire cours à l’université. Or, n’est-ce pas notre mission ? De nombreux enseignements de licence reprendront à distance pour plusieurs semaines, contrairement à ce qu’on entend çà et là… favorisant ainsi les dites « difficultés organisationnelles », ou le règne de l’incohérence, du renoncement et du désordre. Cela valide une université qui perd le sens humain de ses missions. Mettre des panneaux de sens interdits à tout-va ne symbolise-t-il pas l’infantilisation des étudiant.es et des personnels ? Le renoncement ? Ne sommes-nous pas capables de compter pour respecter les jauges ? Des enseignants se démènent pour faire revenir leurs étudiant.es dans la légalité (jusqu’à quand ?…), sans qu’un cadre cohérent ne soit proposé aux étudiant.es. par l’université. Aucun message clair, n’est envoyé pour une réappropriation réelle, physique de la fac, Une rentrée en « bordelentiel », des personnels et étudiant.es infantilisé.es, l’absurdité comme horizon immédiat. Voilà notre quotidien.

La CNT Sup. Rech. demande à ce que toutes les mesures soient prises pour favoriser le retour des étudiant.es à l’université et à ne plus cautionner l’université virtuelle dont on connait les dégâts immédiats et à venir. Les cours en salle doivent être la norme, pas l’exception. Des mesures peuvent être prises localement pour se réapproprier nos locaux, bien vides. D’autres relèvent du ministère. Que l’université soit à la hauteur de ce qu’elle doit aux étudiant.es, et au personnel tant qu’à y être.

Section CNT Sup. Rech. de l’Université Bordeaux Montaigne


[1] Institut Montaigne, 2017. Enseignement supérieur et numérique : connectez-vous, résumé, p. 1.