Education prioritaire : la fin est proche.

Education prioritaire : la fin est proche. Quand Big Blanquer a obtenu la nomination d’une secrétaire d’Etat à l’éducation prioritaire, la défiance pouvait advenir. C’est fait ! La titulaire du poste, Nathalie  Elimas, dans un entretien à la presse a  annoncé fin novembre sa suppression en marche (1). “Nous souhaitons sortir de cette logique de zonage pour donner des moyens aux établissements en fonction de leur projet” a-t-elle déclaré.

Il n’y aura pas de changement pour les établissements en Rep+ ni pour les Rep l’année prochaine, mais pour la rentrée 2021 il sera mis en place une expérimentation dans les académies de Lille, Marseille et Nantes qui consistera en « un contrat de 3 ans » entre le rectorat choisi et une liste d’établissements qui sera fixée fin décembre.

Dès 2022, la carte des Rep pourrait être supprimée.

Fini les « réseaux », les effectifs réduits, les primes, les quelques formations décidées à l’échelle du réseau local.

Ces contrats seront directement pilotés par le ministère.

En s’appuyant sur les Cités éducatives, une création de Blanquer en 2018, qui peuvent regrouper plusieurs collèges et écoles, mobilisant les moyens existants (contrat de ville, projet de réussite éducative…), Cités et établissements sélectionnés devront développer des actions selon un « référentiel » élaboré rue de Grenelle. C’est déjà une réalité avec les quelques 120 Cités éducatives (2) équipée chacune d’un « observatoire de la réussite éducative ».

On apprend aussi en lisant la presse  que : « l’enseignement catholique allait être associé à la nouvelle politique d’éducation prioritaire. Son secrétaire général précisant : “JM Blanquer m’a renouvelé son accord”.

Zones d’éducation prioritaire puis Réseaux d’éducation prioritaires, les moyens alloués n’ont jamais été à la hauteur des besoins. Au fil des années, les budgets dédiés ont été sans cesse diminués. Dans les années 90, il était encore possible d’organiser, dès la rentrée de septembre, des stages communs professeurs des écoles et des collèges pour des échanges de pratiques, une meilleure prise en compte des besoins pour chaque zone prioritaire. Une certaine auto-organisation était expérimentée. Des projets réalisables et décloisonnés entre l’école et le collège du quartier en maths, sciences, français, arts pouvaient  être élaborés lors de  ces stages et déroulés sur l’année. Les coordinatrices ou coordinateurs  Rep n’étaient pas encore de simples relais des lubies du ministère.

Le 5 décembre, à l’occasion de son dernier colloque, l’Observatoire des zones prioritaires, l’OZP, a refait un historique de la politique d’éducation prioritaire.

Extrait.

« Dès son origine en 1981, cette politique de lutte contre les inégalités ciblait non pas des établissements scolaires mais des territoires marqués par de très fortes inégalités. En 1981 comme en 1990, cette politique fut articulée avec la politique de développement social des quartiers puis avec la politique de la Ville. Elle fut relancée en 2006/2007 à la suite des émeutes de banlieues de novembre 2005. La carte de l’éducation prioritaire actuelle fut élaborée en 2013 à partir d’un travail conjoint entre l’éducation nationale et le ministère de la Ville.
Passer d’une logique de politique territorialisée à une politique d’établissement constitue une rupture profonde dans la philosophie éducative gouvernementale. La lutte contre les inégalités ne relèverait plus d’un projet mobilisant le réseau et ses partenaires (services déconcentrés de l’Etat, collectivités territoriales, associations…) mais d’un contrat passé entre le rectorat et un établissement. La notion de réseau, qui traduit la volonté politique de renforcer la continuité et la cohérence pédagogique et éducative tout au long de la scolarité obligatoire, est abandonnée ipso facto, sans évaluation, sans bilan au profit du vieux modèle libéral de l’établissement autonome, sur le modèle de l’enseignement privé, ouvrant ainsi le chemin au vieux fantasme de la mise en concurrence des établissements entre eux.
Ce changement de philosophie repose aussi sur une volonté d’effacement des mesures de priorisation en faveur des ghettos urbains au profit des territoires ruraux et de l’enseignement privé. »

L’association « Observatoire des Zones Prioritaires » (OZP), créée en 1990, a pour objectif de favoriser l’information, la réflexion et les échanges sur l’éducation prioritaire (REP+ et REP)

(1) Café pédagogique du 23 novembre 2020

« Education prioritaire : La suppression des Rep est en marche… « 

Une rupture dans l’histoire de l’Ecole

 Cette nouvelle politique aura de nombreux effets. Le premier c’est de répartir autrement les moyens des Rep, soit environ un milliard d’euros par an. Il est clair dans le rapport comme dans la déclaration de N Elimas que les établissements qui bénéficieront de ces sommes ne seront pas les mêmes. Le critère de l’isolement de l’établissement entrerait en compte à coté de la situation sociale des élèves. On assisterait ainsi à un transfert de moyens des quartiers populaires vers les zones rurales permettant d’appliquer l’engagement présidentiel en faveur du rural tout en allégeant le budget de l’éducation nationale (…)

Dans son rapport de 2018, la Cour des comptes a rappelé que la politique d’éducation prioritaire est la seule politique nationale de lutte contre les inégalités. On assiste donc à un tournant majeur dans l’histoire de l’Ecole. L’Ecole commence à détricoter une politique en faveur des élèves les plus défavorisés vieille de 40 ans. »

 François Jarraud

(2) Café pédagogique du 8 décembre 2020

« Réagissant à l’annonce de 40 cités éducatives supplémentaires, le Snes Fsu revient sur la nouvelle politique d’éducation prioritaire présentée par N Elimas. “Le ministère vise une destruction systémique de l’éducation prioritaire, assortie dans le cadre des cités éducatives d’un risque de déréglementation du fonctionnement des collèges et des statuts des personnels”, estime le Snes. “Les cités éducatives s’inscrivent dans l’idéologie néolibérale des « territoires apprenants » qui décrètent que l’on peut apprendre et se former partout ailleurs qu’à l’école, ce qui participe à diluer l’importance d’un service public d’éducation de qualité. Les collectivités territoriales et les services de l’État (préfecture et rectorat) devraient les copiloter. « Une stratégie éducative ambitieuse et innovante » devrait être mise en œuvre avec une place de plus en plus importante du périscolaire et des collectivités au détriment de l’éducation nationale. Une « gouvernance » s’imposerait aux conseils d’école et conseils d’administration des collèges, minorant la place des personnels, et promouvant les associations de parents et des acteurs « partageant les valeurs républicaines », avec à sa tête le trinôme principal de collège – délégué du préfet – chef de service de la collectivité” ».