Une rentrée pas ordinaire. Droit de retrait exercé, grèves reconduites mardi 3 novembre. Appel de lycéenn.es

Colère contre le mépris. Lundi 2 novembre ne pouvait pas être une rentrée comme les autres. Depuis l’assassinat de notre collègue Samuel Paty, le 16 octobre, nous sommes sous le choc.

L’annonce du confinement, l’attitude méprisante de Blanquer quant à la possibilité d’organiser au mieux l’accueil des élèves et l’hommage à Samuel Paty, son refus de nous donner les moyens nécessaires, heures, décharges ont réveillé une colère profonde.

Assemblées générales, droit de retrait, grèves se sont multipliés lundi. La liste est longue des établissements*  en mouvement contre un protocole sanitaire inapplicable.

Dans le secondaire, la revendication principale est le dédoublement des classes pour réduire les effectifs.

Paroles de profs et lycéen.nes

« A part les élèves assigné.es à salle, pas grand chose, pour la cantine on ne peut rien changer. » C. prof à Drancy (93)

« Trois profs ont fait cours aujourd’hui, tout le reste en grève (une cinquantaine. On a proposé une organisation (demi groupe sauf pour les spé en terminal et pour les options peu nombreuse), 1 semaine la moitié cours le matin, l’autre l’après midi. ». S. à Pantin (93)

« Le protocole sanitaire “renforcé” est une vaste blague dans mon lycée. Les seules mesures restent le port du masque obligatoire et le gel disponible dans les salles et à l’entrée du lycée. Nous sommes toujours à 35 par classe, brassés entre 5 groupes différents au cours de la semaine – tous les groupes ayant au moins 25 élèves. La distanciation est impossible dans les couloirs, de même que dans les salles de classe. » Un lycéen (cité par Le Monde.fr du 2 novembre)

« Nous on a eu la réponse de la dsden à notre demande de demi-groupe : interdiction en collège, le protocole sanitaire doit être appliqué tel quel, il faut accueillir tous les élèves… on attend donc les retours des autres bahuts alentour et on se réunit demain à 7h30 pour revoter la grève. On est tellement en colère ; au moins demain, plus de la moitié des collègues seront en grève. » A. à Bagnolet (93).

Masques. « J’ai eu des gamins qui ont eu soif toute la journée. D’autres qui n’osaient même pas retirés leurs lunettes embuées et ce n’est que le premier jour! »  K. à Montreuil

« Ce sont les profs qui devront changer de salle pour limiter les brassages. Superbe sur le papier… Mais problème concrets en cascades : comment faire pour les manipulations scientifiques, surtout en demi-groupes ? Je ballade mes microscopes de salles en salles à l’interclasse ? » Un prof de sciences.

“Les classes de 35 à 37 élèves ne permettent pas la distanciation physique. Le dispositif aux fenêtres nous empêche de les ouvrir. Nous n’avons pas les effectifs pour pouvoir désinfecter les tables entre chaque cours. Quant aux masques qui devaient être distribués, ils sont en commande.” Une prof encore citée par Le Monde.fr

« Au lycée Baudelaire, à Roubaix, l’hommage à Samuel Paty et le contexte sanitaire ont chamboulé les équipes enseignantes et les élèves. Le taux d’incidence du Covid-19 fait partie des plus élevés de France dans cette ville de la métropole lilloise. Les absents étaient donc nombreux ce matin, tant du côté des 730 lycéens que de celui des professeurs.  Dans cette ville, où l’épidémie explose, impossible d’appliquer le protocole sanitaire, soupire la professeure de philosophie S.D. »

« Ce mardi, les profs seront ainsi présents au lycée Baudelaire, mais ils n’accueilleront pas les élèves. “On ne veut pas fermer le lycée, ajoute-t-elle. Le distanciel a été une catastrophe lors du premier confinement, car nos élèves n’ont pas de matériel, mais il faut que l’on divise les classes en deux.”


 L’hommage à Samuel Paty

« Dans les classes maternelles de l’école Robert-Doisneau, à Lyon, les instituteurs n’ont pas tellement insisté à propos de l’hommage à Samuel Paty. “En parlant avec les enfants, on a compris qu’ils n’étaient pas vraiment au courant, inutile de leur rajouter du stress”, explique Pierre, instituteur dans l’école du 1er arrondissement. “Nous nous adaptons au jour le jour, c’est un peu dur, nous apprenons les consignes par les médias”.

« On s’est tous et toutes dit, lecture de la lettre de Jaurès, aucun intérêt. Chacun.e a trouvé un moment d’échanges avec les élèves plus pour voir si des questions allaient être soulevées et ce qu’elles et ils avaient saisi des événements. Certains en fait se souciaient plus du “nouveau” protocole : est ce qu’on va manger avec les copains des autres classes, est-ce qu’on va devoir mettre le masque pour chanter, en récré… Avec les CM1 et CM2, on a fait la minute de silence dans la classe. »

A Marseille, comme chaque jour, la place Félix-Baret, devant la préfecture, s’est transformée en vaste cantine de plein air pour les lycéens de Montgrand. L’espace a aussi servi d‘agora, une heure seulement après l’hommage rendu dans la cour de l’établissement. Les jeunes gens font le bilan de cette matinée pas ordinaire. “En tant que musulman, explique un élève de terminale, j’ai dit que je ne cautionne pas du tout ces faits. Cet assassinat est inadmissible, car ce prof faisait son travail et il n’avait pas forcé les élèves à regarder les caricatures. Mais, corrige aussitôt cet adolescent de 17 ans, les caricatures, c’est autre chose. Pourquoi attiser la haine ? Je ne comprends pas à quoi ça sert de faire des caricatures.” 

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* En région parisienne, dans le Val de Marne et en Seine-St-Denis : « grèves massives dans le secondaire » écrivait Le Parisien en ligne du 2 novembre. « Les enseignants à bout de souffle ».

« En effet la journée du 2 novembre a connu des troubles dans une trentaine d’établissements. L’académie de Créteil a été particulièrement secouée avec des mouvements de grève aux lycées Eluard de Saint-Denis, Balzac à Mitry Mory, Berthelot à Pantin, Utrillo à Stains, F Tristan à Noisiy le Grand, et dans des collèges (Triolet à Saint Denis, de Gouges à Noisy le Sec, Péri à Aubervilliers, Curie à Stains etc.).  Des établissements ont aussi débrayé en dehors de l’Ile de France comme le collège Guy à Lyon, le lycée Malraux à Voreppe (38), le lycée de Gap, celui de Mayenne. Ailleurs encore  les professeurs ont manifesté leur colère sans se mettre en grève comme  au collège Gambetta à Cahors. » Café pédagogique du 3 novembre

Coordination Île-de-France de l’Éducation du 2 novembre 2020

Pour notre santé et celle de nos élèves, refusons un protocole au rabais !

La coordination Île-de-France de l’éducation a réuni ce lundi 2 novembre 2020 des personnels du 1er et du 2nd degré des académies de Créteil, Paris et Versailles, des départements du 93, 92, 77, 94, 95 et 75. Un collègue de l’académie de Rouen, ainsi qu’un parent FCPE, s’étaient également connectés. Plusieurs AG d’établissements ou de bassin se tenaient en même temps.

La décision du ministère Blanquer de supprimer les deux heures déjà trop courtes de concertation pour préparer un véritable hommage à Samuel Paty, ainsi que la reprise des établissements dans les mêmes conditions qu’avant les vacances en pleine explosion de l’épidémie, a enflammé l’Éducation et provoqué une vague inédite de grèves et de débrayages spontanés dans les établissements. Ce soir, Le Parisien parle lui-même de « grèves massives dans le secondaire » :

https://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/ile-de-france-greves-massives-dans-le-secondaire-les-enseignants-a-bout-de-souffle-02-11-2020-8406270.php

Dans l’ensemble de l’Éducation, les collègues refusent les modalités de rentrée voulues par le ministère et les hiérarchies académiques du premier et du second degrés : comment prétendre que le gouvernement prend la mesure de la crise sanitaire, tout en nous soumettant des protocoles qui n’ont de « renforcés » que le nom ?

Dans de très nombreux établissements, la grève a été très forte aujourd’hui. Plusieurs collèges, comme le collège Jean Lolive de Pantin, le collège Jean Jaurès de Clichy, Evariste Gallois à Nanterre ou encore Guy Môquet Gennevilliers, ont dû fermer. Des collègues ont fait valoir leur droit de retrait.

Là où les directions n’avaient pas encore cédé face à l’indignation et à la révolte sur la banalisation des heures de concertation ce matin, les collègues ont imposé par leurs débrayages ce temps collectif.  Face au « cadrage national » autoritaire du ministère, ces temps collectifs ont souvent pu permettre d’élaborer un réel temps d’hommage à notre collègue Samuel Paty.

Mais au-delà, les collègues sont très déterminés à obtenir satisfaction sur la question du protocole sanitaire, à commencer par la mise en place immédiate de demi-groupes, seule mesure permettant de respecter la distanciation et les gestes barrières.

Aussi, dans la plupart des établissements, la grève a été reconduite très majoritairement, ou bien les droits de retrait maintenus. D’autres établissements, qui n’étaient pas forcément en grève aujourd’hui, ont également voté la grève demain. 

D’ores et déjà, de nombreux établissements ont d’ores et déjà obtenu la mise en place du dédoublement des classes, que ce soit dans les académies de Paris, de Créteil ou de Versailles, à l’exemple des lycées Jules Siegfried (Paris 10ème), Paul Painlevé de Courbevoie (92, Versailles), Jacques Prévert de Longjumeau (91, Versailles), Wallon d’Aubervilliers (93, Créteil). Il est donc totalement possible d’obtenir  immédiatement satisfaction sur cette revendication des demi-groupes, quelle que soit l’académie.

Les personnels de l’Éducation réunis affirment leur refus d’accueillir les élèves à effectifs constants. Il est nécessaire de choisir : il doit y avoir soit moins d’élèves simultanément dans les écoles et établissements, soit un renforcement de l’encadrement adulte.

Revendications de la coordination Île-de-France : 

– le recrutement massif d’enseignants et enseignantes, à commencer par les candidats admis sur les listes complémentaires des concours, 

– des embauches urgentes et massives de personnels de toutes catégories à la hauteur des besoins : agents d’entretien, AED, AESH, médecins et infirmiers scolaires, médecine de prévention, etc.

– la mise en place immédiate d’un accueil par demi-groupes alternés, avec un temps de banalisation pour son organisation ;

– un aménagement en conséquence des programmes et du calendrier des examens ;

– la mise à disposition d’un véritable matériel de protection : masques chirurgicaux gratuits pour les personnels et les élèves, masques FFP2 pour les personnels le demandant ou vivant avec des personnes vulnérables, gel hydroalcoolique, lingettes virucides, purificateurs d’air comme promis en région Auvergne-Rhône-Alpes…

le respect des ASA et une liste de critères de vulnérabilités étendue, et que soit prise en compte la situation des personnes vivant avec une personne vulnérable ; 

– des réponses de la hiérarchie concernant l’organisation des stages des élèves de lycée professionnel.

 Décisions de la coordination Île-de-France

  • La coordination Île-de-France appelle l’ensemble des collègues, du premier et du second degrés, à rejoindre le mouvement de grèves et de droits de retraits.

– Elle soutient la reconduction de la grève et les droits de retrait.  

– Elle appelle à faire connaître les décisions des AG sur le tableur collaboratif (https://lite.framacalc.org/9ju9-debrayage-education-2-novembre) et le fil Twitter (https://twitter.com/STOPreformes/status/1323198406970511362) de la Coordination nationale de l’Éducation.

– Elle encourage à se saisir des Registres de santé et de sécurité au travail (RSST) et des Registres de signalement d’un danger grave et imminent (RDGI), et à faire usage du droit de retrait.

– Elle appelle à faire grève toutes et tous ensemble ce jeudi 5 novembre, comme y appelle d’ores et déjà le SNES Versailles, et à se joindre à un rassemblement au ministère de l’Éducation nationale jeudi 5 novembre (en cours de négociation avec la préfecture, restez à l’affût !). Nous demanderons qu’une délégation soit reçue par le ministère.

(Pour les collègues du premier degré, vous trouverez ci-joint un modèle d’intention préalable de grève à envoyer avant ce lundi soir à 23h59 à votre IEN, si vous ne l’avez pas déjà fait.)

Elle affirme sa solidarité avec les mobilisations des lycéens et lycéennes qui refusent également ces conditions de reprise.

Une prochaine réunion de coordination Île-de-France à distance se tiendra ce jeudi 5 novembre à 19 heures. Pour les modalités pratiques (téléphone ou présentiel), restez là aussi à l’affût.

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LISTE DES ÉTABLISSEMENTS AYANT OBTENU DES EFFECTIFS RESTREINTS 



Liste (non exhaustive !) des établissements ayant obtenu des groupes à effectifs restreints ou bien un accueil d’une partie des classes, pour baisser la jauge de l’établissement.

 Le protocole sanitaire « renforcé » prévoit bien cette « porte de sortie » des effectifs restreints tout en bas de la page 6 (sous réserve de l’accord de la direction, puis accord du rectorat) : « Si la situation sanitaire locale le justifie ou si un établissement au regard de sa taille et de son organisation n’est pas en mesure de respecter les règles posées par le présent protocole, un enseignement à distance pourra être partiellement mis en œuvre, avec l’accord et l’appui du rectorat. »

Des établissements parmi cette liste ont obtenu seulement l’accord de leur direction, sous réserve d’acceptation par le rectorat.

 Pour poursuivre le recensement, un tableur collaboratif suivra dès que possible.





🔴 Académie de CLERMONT-FERRAND :

• Cité scolaire Albert Londres, Cusset (03)

🔴 Académie de CRÉTEIL :

• Lycée Gaston Bachelard, Chelles (77)
• Lycée Van Dongen, Lagny (77)
• Lycée Thibaut de Champagne, Provins (77)
• Lycée Le Corbusier, Aubervilliers (93)
• Lycée Henri Wallon, Aubervilliers (93)
• Lycée Louise Michel, Bobigny (93)
• Lycée Jacques Feyder, Épinay-sur-Seine (93)
• Lycée Maurice Utrillo, Stains (93)
• Lycée Gutenberg, Créteil (94)
• Lycée Léon Blum, Créteil (94)
• Lycée Louise Michel, Champigny-sur-Marne (94)

🔴 Académie de GRENOBLE :

• Lycée polyvalent du Dauphiné, Romans-sur-Isère (26)

🔴 Académie de MONTPELLIER :

• Lycée Dhuoda, Nîmes (30)
• Lycée Jean Monnet, Montpellier (34)

🔴 Académie de NANTES :

• Lycée Guist’hau, Nantes (44)

🔴 Académie d’ORLÉANS-TOURS :

• Lycée Duhamel du Monceau, Pithiviers (45)

🔴 Académie de PARIS :

• Cité scolaire Charlemagne, Paris 4ème
• Lycée technologique Jules Siegfried, Paris 10ème
• Lycée Arago, Paris 12ème

🔴 Académie de VERSAILLES :

• Lycée Vincent Van Gogh, Aubergenville (78)
• Lycée Évariste Galois, Sartrouville (78)
• Lycée Jean-Pierre Timbaud, Brétigny-sur-Orge (91)
• Lycée Jacques Prévert, Longjumeau (91)
• Lycée Guy de Maupassant, Colombes (92)
• Lycée Lucie Aubrac, Courbevoie (92)
• Lycée Galilée, Cergy (95)
• Lycée Louis Jouvet, Taverny (95)


Protocole sanitaire « renforcé » :
https://drive.google.com/file/d/1QezAPoG4Vzd2eMIa4lASOTJs-d3HzmLp/view?usp=sharing