T13. L’AG éducation Île de France en conférence téléphonique. Compte-rendu.

Bonjour à toutes et à tous,

L’AG Éducation Île-de-France s’est réunie en conférence téléphonique ce lundi 6 avril pour la troisième fois depuis le début du confinement, alors que les vacances démarrent en zone C. Elle a réuni une quarantaine de collègues du 75, 77, 78, 92, 93 et 95, notamment de Montreuil, Saint-Denis, Aubervilliers, Stains, Nanterre, Mantes-la-Jolie, Cergy, Vauréal, Épinay-sur-Seine, La Courneuve, Le Bourget, Noisy-le-Grand, Saint-Germain-en-Laye, Asnières, Bois-Colombes, Gennevilliers Pantin, Colombes, Paris, etc.

Malgré le délai serré entre les annonces de Blanquer vendredi et l’AG Éducation IDF de ce lundi, et malgré les vacances scolaires en Île-de-France, des AG avaient pu se tenir dans plusieurs établissements ou écoles, ou devaient se tenir ces tout prochains jours. Les discussions concernant notamment les examens ont été extrêmement riches, et ont permis de synthétiser des revendications qui, avant les annonces de Blanquer, n’étaient pas si claires que cela.

Accueil des enfants : plusieurs contaminations faute de protections

Si nos écoles et établissements scolaires sont fermés depuis le 16 mars, le confinement ne concerne pas tout le monde, puisque nombre de collègues enseignants et enseignantes (parfois pas tout à fait volontaires) ont œuvré pendant trois semaines dans les écoles et collèges à l’accueil des enfants de personnels soignants, mais aussi désormais de policiers.

Pendant les vacances scolaires, ce sont majoritairement les personnels territoriaux qui prennent le relais dans les écoles, mais là il n’est plus question de volontariat. Et tout cela sans que les conditions minimales ne soient garanties, sans gel hydroalcoolique, sans gants, sans masques, voire sans des effectifs permettant le respect des distances de sécurité…

Ainsi, des collègues sont désormais testés positifs et positives au virus, plusieurs écoles ont même fermé dans le 77 pour cette raison, et il est certain que d’autres collègues, asymptomatiques, le propagent à leur tour. Des masques sont paraît-il promis pour la rentrée… mais pas en nombre suffisant : ils seront réservés aux « urgences », si des enfants présentent des symptômes, ce qui est très rare et déjà bien trop tardif !

« Continuité pédagogique » : le grand écart continue

Quant à la « continuité pédagogique » vendue par Blanquer, le bilan de trois semaines est conforme aux craintes et aux observations des personnels de terrain et des parents d’élèves. Avec des taux de suivi extrêmement variables selon les établissements et les classes (parfois de 10 % à 90 % dans un même établissement !), il n’est absolument pas envisageable de prendre en considération cette période de confinement dans la progression des apprentissages ou pour l’évaluation, y compris au troisième trimestre si les cours peuvent reprendre. Dans beaucoup d’établissements, les collègues ont décidé collectivement de ne pas procéder à des évaluations sommatives ni notées pendant le confinement, mais uniquement à des évaluations formatives non notées. Et lors de la reprise, il ne saurait être question d’évaluer les élèves sur ce qui sera censé avoir été vu pendant cette période, d’autant plus que bien des élèves devront tout simplement retisser le lien avec les apprentissages.

Le ministre continue de mentir sur la prétendue « continuité pédagogique » et de publier des chiffres sortis de nulle part (et unanimement considérés comme très sous-estimés) sur le taux d’élèves en décrochage. Or sur le simple plan du matériel informatique, rares sont les collectivités territoriales où il a été possible de fournir du matériel informatique aux familles qui en sont dépourvues (ce qui ne réglerait par ailleurs pas la question, loin de là). Et faire appel à La Poste pour envoyer les devoirs signifie faire retomber un travail énorme sur des directeurs et directrices d’écoles pour imprimer les documents, puis sur les postiers et postières dont les conditions de travail sont déjà dangereuses et inacceptables.

Pour évaluer la « continuité pédagogique », nos hiérarchies nous demandent de pointer les élèves qui n’ont pas été « assidus » pour les « cours » à distance. En plus de ressembler à s’y méprendre à du flicage du travail des personnels (enseignants, de vie scolaire ou PsyEN), ce recensement ne servira pas à aider les enfants pour qui les conditions empêchent de se connecter et de suivre des enseignements. De fait, ce recensement servira entre autres à mettre en place les « vacances apprenantes » (voir plus bas). Et désormais, depuis les annonces de Blanquer de ce vendredi 3 avril, ces pointages serviront « en temps utile » à évaluer les élèves selon leur « assiduité » et leur « motivation », et à y conditionner l’obtention des examens, ou bien leur orientation voire leur passage en classe supérieure. C’est notre travail que d’établir et de maintenir des liens avec les élèves et leurs familles, mais certainement pas de les dénoncer à l’administration !

L’AG Éducation IDF appelle :

– à refuser de se porter volontaires pour l’accueil des enfants dans les écoles et collèges si les conditions de sécurité sanitaire ne sont pas réunies.

– à refuser de remonter à l’administration des listes d’élèves ayant décroché.

– à refuser toute notation pendant la période de confinement et, lors de la reprise, sur les notions qui n’ont pas été vues en présentiel.

« Vacances apprenantes » : un dispositif de pure communication

Cette réalité de la « continuité pédagogique » n’empêche pas les plans de communication de Blanquer concernant le dispositif des « vacances apprenantes ». Ainsi, durant la seconde semaine des vacances, les enseignants et enseignantes « volontaires » pourraient s’occuper d’élèves pour une durée de six heures, rémunérées en heures supplémentaires effectives (HSE).

Il s’agirait des élèves qui n’ont déjà pas pu suivre les enseignements à distance durant les trois premières semaines de confinement… Comme si leur situation allait subitement s’améliorer durant les deux semaines qui viennent ! Ces élèves relèvent d’un travail pédagogique spécifique, clairement impossible à réaliser en groupes et à distance – si tant est que ce soit techniquement réalisable.

Le dispositif mis en place pendant ces congés servira d’expérience pour sa reconduction l’été prochain, à l’image des « stages de remise à niveau » (SRAN), avec des modalités encore très floues.

Derrière le souci « qu’aucun élève ne reste sur le bord du chemin », il s’agit d’un saupoudrage illusoire, servant entre autres à attaquer à nouveau le temps de repos des élèves et des personnels. Pour faire progresser les élèves et raccrocher celles et ceux qui ont décroché, c’est pendant toute l’année qu’il faut des moyens humains et pédagogiques !

L’AG Éducation Île-de-France appelle :

– à refuser de se porter volontaires pour le dispositif « vacances apprenantes ».

– à refuser de remonter à l’administration des listes d’élèves ayant décroché.

– à se mobiliser contre les diminutions de moyens et les fermetures de classes, pour lutter toute l’année contre les difficultés scolaires et le décrochage.

Examens : injustices à tous les étages

Comme à son habitude, notre ministre s’est adressé à BFMTV avant de nous mettre au courant… Il a donc annoncé la validation du diplôme national du brevet (DNB) et du baccalauréat en contrôle continu, avec la prise en compte des notes de contrôle en cours de formation (CCF) pour le bac professionnel, et « en même temps » le maintien complètement incohérent de l’oral de français en classe de première.

Pour celles et ceux qui auront entre 8 et 10 de moyenne, Blanquer prévoit des épreuves de rattrapage du 8 au 10 juillet. Celles et ceux qui ont moins de 8 pourront être éligibles à la session habituelle de rattrapage de septembre, sur accord du jury, après lecture du livret scolaire… mais pour l’instant sur la base d’épreuves écrites, contrairement aux candidats et candidates de la session de juin.

Le contrôle continu, outre qu’il dénature les objectifs pédagogiques de l’évaluation pendant l’année, pénalise les élèves en difficulté qui progressent tout au long de l’année (ce qui est l’une des multiples critiques concernant les E3C) : chaque année, des élèves finissent par trouver leur rythme à mesure que la fin d’année approche, et par faire leurs preuves lors des épreuves terminales. Pour nos élèves, l’obtention du diplôme dépendra en grande partie du dossier scolaire, c’est-à-dire de leur comportement, de leur assiduité… Ce qui va à l’encontre du principe d’un examen des connaissances et, évidemment, du respect de l’anonymat. C’est une transformation du conseil de classe du troisième trimestre en véritable jury de bac.

Nous n’avons cessé de combattre le contrôle continu comme facteur d’inégalités énormes entre établissements, et même entre classes. Aujourd’hui, sa prise en compte pour un examen national induirait toute une tambouille pour harmoniser les notes – voire pour se conformer à un objectif de taux de réussite. Comme confirmé incidemment par le SNPDEN-UNSA, cette harmonisation par des jurys académiques opaques instituerait quasi officiellement des pondérations entre lycées, voire entre professeurs – comme c’était déjà le cas pour beaucoup de formations sur Parcoursup, et comme c’est désormais le cas pour les E3C, dont les résultats sont en train de tomber.

Et outre ces injustices pour les élèves, le plan du ministre est pour le moins bancal : comment pouvons-nous avoir la moindre certitude concernant la possibilité de tenir des oraux en juillet (de rattrapage en terminale, et de français pour les 543 000 élèves de première), et même en septembre ? Qu’en est-il des candidats et candidates en situation de handicap, en redoublement avec conservation de notes, ou bien des candidats et candidates libres (notamment celles et ceux ayant redoublé l’an dernier mais n’ayant pas eu de place pour se réinscrire) ? Qu’en est-il de celles et ceux qui, n’obtenant leur bac qu’en septembre, retarderont donc leur inscription dans l’enseignement supérieur et avec elle l’attribution des bourses, voire risquent d’être radiés comme l’an dernier sur Parcoursup ?

Concernant les élèves de première, Blanquer a également annoncé la création d’une note artificielle pour la deuxième session des épreuves communes de contrôle continu (E3C), en faisant la moyenne des notes de la première session et de la troisième ayant lieu en terminale… annonçant ainsi le maintien de ces épreuves largement rejetées et discréditées, et prévoyant officiellement de refaire passer la première session dès le retour en classe dans les lycées ayant refusé les E3C jusqu’à présent (cf. FAQ du ministère). Ce calcul donne par ailleurs un poids accru à la première session des E3C, qui s’est déroulée dans des conditions chaotiques que l’on sait. Le passage en force permanent continue.

Quant au maintien de l’oral de français, il est complètement incohérent avec les autres décisions, d’autant qu’il dépend, là encore, de l’évolution de la crise sanitaire. En préconisant une réduction des listes de textes à douze ou quinze selon la voie, Blanquer oblige sans le dire à continuer à avancer dans le programme pendant le confinement, puisque dans leur progression (prévue évidemment pour une année complète), beaucoup de classes en sont à environ la moitié des textes. Sans compter que l’épreuve suit un format nouveau depuis la réforme du lycée, et que vu le flou et la précipitation de sa mise en place, la préparation des élèves n’a pas pu commencer dès la seconde.

Avec un mode d’évaluation qui amplifie les inégalités, les examens perdent leur dimension nationale, ce que nous n’avons cessé de combattre depuis le début de la réforme du bac. Dans ce contexte exceptionnel où les règles sont rebattues en cours d’année, où la possibilité d’épreuves alternatives est tout sauf assurée, et où les élèves redoublants subiraient l’an prochain la réforme du lycée et ses nouveaux programmes, l’AG Éducation Île-de-France fait sienne la revendication de la Coordination lycéenne nationale qui s’est tenue le dimanche 5 avril à distance : la validation automatique des diplômes pour toutes et tous.

Cela doit bien entendu s’accompagner de l’ouverture de places dans l’enseignement supérieur à la hauteur des besoins. Et si des élèves ne se sentent pas en capacité de réussir dans l’enseignement supérieur, il faut également leur ménager la possibilité de redoubler dans leur lycée actuel.

L’AG Éducation Île-de-France appelle :

– au refus du contrôle d’assiduité, et encore moins à distance.

– au refus de prendre en compte le troisième trimestre, même s’il devait avoir lieu.

– à l’annulation des oraux de français de première.

– à l’annulation des E3C, y compris de la première session.

– à la validation automatique des diplômes (DNB, bac de toutes les voies, BTS), en ménageant la possibilité aux élèves qui le préfèrent de redoubler dans leur lycée.

– à la création d’un nombre suffisant de places dans l’enseignement supérieur.

Une course à l’orientation qui continue pendant le confinement

En l’absence d’un troisième trimestre complet, il sera difficile aux professeurs et aux PsyEN d’aider les élèves à s’orienter à distance. Or ni Parcoursup, ni Affelnet pour l’affectation des élèves de CM2 et de troisième, n’ont été reportés.

Certains établissements ont organisé des conseils de classe sans convoquer l’ensemble des enseignants et enseignantes et les délégués des élèves et des parents. Parfois, ce sont aussi des chefs d’établissements qui ont modifié les décisions du conseil après sa tenue. Si cela était réitéré au troisième trimestre, ce serait la porte ouverte à des orientations arbitraires en fin de troisième et de seconde, sans compter le poids démesuré d’un tel conseil de classe pour l’obtention des examens.

L’AG Éducation Île-de-France revendique :

– la suspension des plateformes d’orientation Affelnet et Parcoursup pour laisser le temps de faire le travail d’aide à l’orientation.

– le respect du droit des élèves de choisir leur orientation librement, avec uniquement un avis consultatif du conseil de classe.

Pour Blanquer, une occasion en or de passer en force sur tous les fronts

Durant le confinement, c’est la casse du service public qui continue, malgré les louanges de circonstances. Ce sont les annonces de cartes scolaires qui continuent dans le premier degré, avec de nombreuses fermetures de classes. C’est la réforme du bac qui continue de façon absurde et se généralise cette année au contrôle continu intégral. C’est la « reconquête du mois de juin » chère au ministre qui se réalise. Ce sont les prélèvements sur salaires pour faits de grève qui s’accroissent, mettant fin à la règle de l’étalement. C’est la répression qui ne s’arrête pas à Clermont-Ferrand, Carcassonne, Bordeaux, Cahors, Montauban, Strasbourg, ou à Melle avec des collègues toujours suspendus pour avoir protesté contre les E3C.

Macron appelle à l’unité, mais son ministre maintient une politique qui divise pourtant largement ! Macron annonce la suspension des réformes en cours… mais pas de celle du bac.

L’AG Éducation IDF rappelle sa participation à la campagne nationale contre la répression, qui consiste l’envoi de photographies avec des pancartes de soutien aux collègues.

L’AG Éducation Île-de-France revendique :

– aucune fermeture de classe à la rentrée.

– la suspension de la réforme du bac.

– le respect du prélèvement maximum de quatre jours par mois.

– l’arrêt de toutes les procédures disciplinaires et judiciaires contre les collègues qui se sont mobilisés pour la défense des retraites et de l’éducation.

Enfin, elle affirme que Blanquer était déjà totalement illégitime avant la crise, et qu’il l’est encore plus aujourd’hui. Il doit démissionner !

AG Éducation en lutte Île-de-France
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