samedi, 14 mai 2011|

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Les anarchistes et l’affaire Dreyfus, la revue de presse

- Dissidences

Au départ, il s’agit de la réédition d’une célèbre brochure de l’anarchiste Sébastien Faure, parue en 1898, qui correspond à une évolution très importante des milieux libertaires à l’égard de « l’Affaire ». Au moment de sa parution, c’est essentiellement le point de vue personnel de Sébastien Faure, et de quelques rares anarchistes, qui s’exprime, mais ce texte va marquer l’implication d’une grande partie des anarchistes dans la défense de Dreyfus. Ce document est précédé par une étude d’une taille comparable au texte de Sébastien Faure, par l’historien Philippe Oriol, qui présente l’attitude des milieux libertaires face à l’affaire Dreyfus. P. Oriol est particulièrement qualifié pour ce travail car il est l’auteur d’une biographie de Bernard Lazare (Stock, 2003) ainsi que d’un livre collectif qu’il a dirigé ( Bernard Lazare anarchiste et nationaliste juif , Champion, 1999) sur ce personnage clé dans la conversion des anarchistes (et au-delà) à la défense de Dreyfus. En effet, les anarchistes, comme une grande partie de la gauche d’ailleurs, considèrent la condamnation du capitaine en 1894 comme une affaire interne à la bourgeoisie. Cette attitude est d’autant plus marquée que l’antisémitisme sévit fortement à gauche, y compris dans les milieux anarchistes (Oriol founit quelques extraits de textes à faire rougir de honte aujourd’hui). Pouget, par exemple, considère l’antisémitisme comme une forme d’anticapitalisme, puisque de nombreux capitalistes sont par ailleurs juifs. Ajoutons que le cas Dreyfus n’apparaît que comme une des facettes multiples de la répression étatique. Sous l’influence des lois anti-anarchistes, de nombreux compagnons sont en effet déportés au bagne, et la défense de leur cas apparaît nettement plus importante que celle d’un capitaine pour les anarchistes. C’est seulement quand il apparaît que la condamnation de Dreyfus repose sur des faux, sur un complot et que les ligues antirépublicaines et antisémites s’emparent de l’affaire que les anarchistes réagissent. Pas tous, loin de là d’ailleurs. Longtemps prévaudra l’indifférence (chez les guesdistes aussi, soit dit en passant), avant que le danger antirépublicain ne fasse évoluer un certain nombre d’entre eux. Bernard Lazare jouera un rôle crucial dans ce qui apparaît comme un ralliement à la République et à sa défense. Dans sa présentation Philippe Oriol retrace les étapes de cette conversion, fournissant les principaux points de repère de cette évolution politique, dont on peut supposer qu’elle jouera un rôle quand il s’agira, quelques années plus tard, de défendre la République menacée, par l’impérialisme teuton cette fois ci, et le ralliement de la plupart des anarchistes à l’Union sacrée. Une préface aussi intéressante que le texte qu’elle accompagne.

Georges Ubbiali

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- Sur le site Anarlivres

Les éditions CNT-Région parisienne ont eu la très bonne idée de rééditer la brochure de Sébastien Faure, « Les Anarchistes et l’affaire Dreyfus ». Notons, tout d’abord, qu’il s’agit surtout de la position de Sébastien Faure. Ainsi que le précise Philippe Oriol dans une excellente présentation, qui replace l’affaire dans son contexte, certains, tels Jean Grave (restant inflexible) ou Pouget (évoluant), refusèrent de se mêler de cette histoire entre bourgeois, surtout pour prendre la défense d’un traîne-sabre, riche de surplus. C’est donc avant tout pour s’expliquer et se justifier que Sébastien Faure écrit ce document. Convaincre du bienfondé de sa démarche n’était pas évident au début car il fallait vaincre une sorte d’antisémitisme « révolutionnaire ». Celui-ci considérait la lutte contre le propriétaire, l’usurier et le banquier juifs comme un premier pas sur le chemin de la révolution sociale. Criminelle cécité qui arrangeait bien l’engeance cléricale et qui ignorait superbement le prolétariat juif. Bernard Lazare, puis « Sébast » purent convaincre les anarchistes que leur place était toujours du côté de la justice et de la liberté, sans renier leur spécificité. Après avoir lu cette brochure, on ne peut s’empêcher de regretter qu’un ouvrage plus conséquent n’étudie pas le sujet, entre autres pour rétablir à sa juste place l’intervention des anarchiste dans l’affaire Dreyfus. Souhaitons que cette réédition en fasse naître l’envie.

 
A propos de éditions CNT-RP
Michel Bakounine, présentation de Frank Mintz, 2006, 72 pages. Ce court livre, le second de la collection « Classiques » des Éditions CNT, rassemble deux textes essentiels de Bakounine, « La politique de l’Internationale » (paru en 1868 dans L’Égalité) et « Organisation de l’Internationale » (publié (...)
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