samedi, 14 mai 2011|

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L’horizon Argentin, la revue de presse

- Alternative Libertaire, avril 2011

Lire : De Gracia, « L’Horizon argentin »

Si l’on osait une comparaison avec le travail Howard Zinn, c’est presque une « histoire populaire de l’Argentine », du milieu du XIXe siècle à l’insurrection de décembre 2001, que brosse à grands traits Guillaume de Gracia dans cet ouvrage roboratif (près de 600 pages). Et L’Horizon argentin sur lequel l’auteur garde de bout en bout les yeux rivés, c’est celui du pouvoir populaire (poder popular) en germe dans les différentes formes que le mouvements social a revêtu au fil des décennies. À ces différentes formes, l’auteur identifie un dénominateur commun : l’horizontalisme. « D’un point de vue théorique, explique-t-il, l’horizontalisme revient à la construction symbolique d’une société que d’aucuns décriraient comme libertaire et communiste à travers l’articulation de 5 notions […] à savoir la multiplicité, l’autonomie, l’horizontalité, les tactiques d’action directe et l’ancrage territorial. » La multiplicité, c’est celle des formes d’auto-organisation (sur le lieu de travail, de formation, d’habitation…) ; l’autonomie, c’est le refus de l’ingérence d’une force extérieure ; l’horizontalité, c’est le refus de la hiérarchie dans l’organisation ; l’action directe, c’est le refus de déléguer à d’autres (politiciens, bureaucrates, prêtres…) la défense de ses intérêts ; l’ancrage territorial, c’est la nécessité de créer de « nouvelles relations sociales » dans son espace d’action.

Le livre fait une large place, bien entendu au moment fondamental qu’a constitué, pendant les 30 premières années du XXe siècle, l’expérience de la Fédération ouvrière régionale argentine (FORA). La FORA ne s’identifiait ni au syndicalisme révolutionnaire de la CGT française, ni à l’anarcho-syndicalisme de la CGT espagnole, mais représentait une forme politico-syndicale originale, une sorte de mouvement ouvrier-anarchiste de masse (jusqu’à 200 000 membres pour un pays de 10 millions d’habitants), luttant à la fois pour la réduction du temps de travail et pour le communisme libertaire.

Passée la période héroïque après le coup d’État de 1930, le mouvement ouvrier abdique son autonomie, avec la décadence de la FORA puis la phénoménale adhésion populaire au péronisme, ce summum de la rencontre entre un homme providentiel et une nation. Guillaume de Gracia montre les résurgences épisodiques de l’horizontalisme à la gauche du péronisme populaire, indiquant malgré tout la permanence de pratiques et d’aspirations démocratiques qui n’étaient pas sans inquiéter le dictateur lui-même.

Le Cordobazo et les insurrections de rue de 1969-1970 vont marquer le retour au grand jour de l’horizontalisme, avant l’explosion de décembre 2001, ses assemblées populaires, ses mouvements piqueteros, ses coopératives de consommation et ses entreprises « récupérées », force montante qui cependant ne parvint pas à la conscience de constituer un pouvoir-action (potentia), alternatif à un pouvoir d’État (potestas) moralement ruiné. Cette situation pré-révolutionnaire a cependant marqué durablement les esprits, puisque selon l’auteur « aujourd’hui, la société civile argentine a totalement inclus dans son vocabulaire [la] vision horizontale ».

Guillaume Davranche (AL93)

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- Alternative Libertaire, mars 2010

Que des centaines de milliers, voire des millions d’Argentins soient descendus dans les rues de Buenos Aires, les 19 et 20 décembre 2001 au cri de ¡ Que se vayan todos ! (Qu’ils s’en aillent tous !) apparut pour bien des commentateurs, la simple expression de la légitime exaspération de citoyens dont les droits les plus élémentaires étaient depuis longtemps bafoués.

Que la protestation dure dix jours et que de réguliers soulèvements ponctués de très violents affrontements avec les forces de l’ordre forcent quatre présidents consécutifs à abdiquer, voilà qui commençait à inquiéter. D’autant que ces insurrections urbaines se doublaient de formes de constructions populaires que la mythologie néo-libérale pensait avoir bannies pour de bon dans « ses » démocraties : assemblées de quartiers, entreprises récupérées et autogérées par leurs travailleurs, troc… La « Fin de l’Histoire » prophétisée par Francis Fukuyama peinait à se concrétiser. (…)

Plusieurs millions d’Européens ont littéralement débarqué en Argentine entre le milieu des années 1870 et 1910. Autant de paysans italiens et espagnols politiquement sensibilisés aux formes sociétales alternatives que supposaient les utopies anarchistes et socialistes. Autant de futurs ouvriers mais aussi, de futurs militants qui vont ancrer profondément dans l’esprit collectif argentin une mythologie utopique et une solide subculture de lutte, dont les méthodes vont se retrouver tout au long du dernier siècle. Autant d’individus qui, au début des années 1900 vont se syndiquer au sein de structures : FORA, UGT ou USA, à l’esprit indéniablement libertaire (au sens large) totalement hermétiques aux formes de collaboration de classes et de jeu parlementaire prônés par les sociaux-démocrates de l’époque. (…)

La politique économique et sociale menée pendant les dix ans de la présidence de Carlos Menem aboutit à l’expression massive (bien que circonscrite temporellement) d’un anti-politisme qui fut et restera le marqueur le plus évident de l’anarchisme. Mais les fondements de cette idéologie - éducation et conscientisation - ayant du mal à se faire entendre en des temps d’ultra-médiatisation globaliste, le génie populaire argentin en inventa d’autres : l’horizontalisme.

 
A propos de éditions CNT-RP
Michel Bakounine, présentation de Frank Mintz, 2006, 72 pages. Ce court livre, le second de la collection « Classiques » des Éditions CNT, rassemble deux textes essentiels de Bakounine, « La politique de l’Internationale » (paru en 1868 dans L’Égalité) et « Organisation de l’Internationale » (publié (...)
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