jeudi, 4 septembre 2014|

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De l’autogestion, la revue de presse

Le Monde diplomatique, septembre 2014

Cet ouvrage à plusieurs voix tente de présenter non pas tel ou tel aspect de l’autogestion, mais bien un tableau complet du sujet. Des penseurs anarchistes et des partisans syndicalistes révolutionnaires de la « gestion ouvrière » aux redécouvreurs marxistes non staliniens, des réalisations dans l’Espagne libertaire aux tentatives yougoslave et algérienne — limitées — des années 1960, la généalogie et l’histoire de l’idée sont établies.

Reprendre en main les moyens de production et satisfaire de façon égalitaire les besoins de chacun : on retrouve le vieux rêve du mouvement ouvrier décliné dans de multiples domaines, que ce soit la littérature prolétarienne (« réappropriation de la parole ouvrière »), la pédagogie (exemple des écoles populaires kanakes), le syndicalisme, le coopérativisme, l’agriculture, la lutte (mouvement zapatiste ou... local B17 à Nantes), un commerce, une imprimerie. Le livre, lui-même élaboré et produit de façon autogérée, offre également une bibliographie consistante pour poursuivre la réflexion. →

Pascal Bedos

http://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/livres

Autogestion.coop, juin 2013

La CNT (région parisienne) fait un point historique sur l’autogestion, son actualité dans le syndicalisme (notamment celui de la CNT) et dans les pratiques sociales ou d’entreprises.

Aux origines du mot… et du débat français

Démarche originale, les auteurs ne commencent pas, comme traditionnellement dans les textes libertaires, par la Commune de Paris ou Makhno ou la Catalogne, mais par l’apparition du terme « autogestion » et du débat politique qui le fait naître dans les années 1950-1960. Ce panorama est très intéressant à rappeler en cette longue période (une vingtaine d’années !) de pénurie éditoriale sur le sujet. Il montre que tout s’est passé entre des penseurs marxistes en rupture de parti communisme ou de trotskisme et des penseurs libertaires : Bourdet, Castoriadis, Guérin, Guillerm, Gurvitch, Lefebvre, Lefort, Naville, mis ici par ordre alphabétique, mais les auteurs insistent particulièrement sur les apports de Yvon Bourdet et Henri Lefebvre. Les contextes international (Hongrie, Yougoslavie, Algérie…) et national (critique du stalinisme et de la SFIO, guerre d’Algérie…) sont évidemment rappelés. Les auteurs précisent ensuite les définitions de l’autogestion proposées dans les années 1960. Ce n’est qu’alors qu’ils font intervenir des auteurs plus anciens, tout particulièrement Rosa Luxemburg et Anton Pannekoek.

État, classes sociales et syndicalisme

S’appuyant surtout sur les analyses de l’excellent Alain Bihr (excellent en particulier pour ses analyses du FN et ses travaux sur les inégalités), les auteurs présentent ensuite une analyse des rapports sociaux de classes au XXe siècle. L’État reste l’instrument de la domination de la bourgeoisie et de la reproduction du capitalisme, mais sa fonction d’encadrement lui donne une autonomie relative vis-à-vis de la classe dominante. Ainsi, entre la bourgeoisie et le prolétariat est apparue une nouvelle classe, la classe de l’encadrement, fortement liée, directement (fonctionnaires) ou indirectement (diplômes), à l’État.

Cette classe a des intérêts différents de la bourgeoisie et du prolétariat. Son objectif est de conquérir l’État pour le mettre à disposition de ses intérêts propres en ménageant la classe dominante (version sociale-démocrate) ou en la remplaçant (version léniniste). Pour ce faire, elle mobilise le prolétariat en le trompant. L’État reste donc un ennemi absolu puisque instrument de domination des deux classes tout aussi absolument adversaires du prolétariat.

Les auteurs passent ensuite en revue les différentes formes d’organisation d’un prolétariat autonome. La condition première est que cette organisation soit elle-même autogérée. Le parti politique n’est là que pour prendre le pouvoir d’État. L’association est par définition interclassiste et intègre des membres de la classe d’encadrement qui prend rapidement le pouvoir. Les organisations temporaires et spontanées ne s’inscrive pas dans la durée.

Reste le syndicat. Un chapitre est alors consacré aux grandeurs et misères du syndicalisme réel. Pratique des permanents et bureaucratisation font passer la plupart des syndicats du côté de la classe d’encadrement. Reste la CNT. Un chapitre est consacré aux orientations générales de la CNT, notamment à son organisation en syndicats d’industrie et interprofessionnels. Organisation originale, différente des autres confédérations, et intéressante.

L’ouvrage se clôt sur les émergences de pratiques autogestionnaires dans la société actuelle. Quelques expériences d’entreprises et de lieux autogérés sont brièvement décrites. Beaucoup plus intéressante est l’analyse produite, à travers les travaux de Bernard Friot sur le salariat et la cotisation sociale, sur la Sécurité sociale comme manifestation de ce que pourrait être une socialisation autogestionnaire de la société.

Quelques chapitres un peu disparates mais intéressants

Plusieurs chapitres paraissent un peu « collés » mais n’en sont pas moins fort intéressants. Un texte d’un libertaire espagnol des années 1920 très anticipateur. Un texte sur la littérature prolétarienne (où l’on regrette de ne pas voir mentionnés La parole ouvrière d’Alain Faure et Jacques Rancière, La Nuit des prolétaires ou Le Savant et ses pauvres). Une expérience pédagogique kanake.

Quelques restrictions

Au total, ce livre clair et pédagogique permettra de bien comprendre les origines de l’autogestion en France et ce qui explique les objectifs et le mode de fonctionnement de cette organisation particulière au sein du mouvement libertaire que constitue la CNT. On regrettera d’autant plus quelques erreurs historiques.

En une dizaine de pages, les auteurs « analysent » le PSU et la CFDT des années 1970 comme de simples récupérateurs opportunistes de l’idée autogestionnaire, les seuls héritiers légitimes dès les années 1970 étant les organisations libertaires.

Rappelons d’abord simplement qu’un seul des penseurs principaux aux origines de l’autogestion en France, selon les auteurs eux-mêmes, est un libertaire, Daniel Guérin. En revanche, deux sont à l’origine du PSU et y resteront au moins jusqu’au début des années 1970 : Alain Guillerm, "complice" d’Yvon Bourdet, et Pierre Naville.

Certes, Michel Rocard, alors secrétaire national du PSU, ne croyait déjà pas à l’autogestion, mais il était obligé de le dire car la majorité des militants soutenait cette option. La meilleure preuve en est que, lorsqu’il décide en 1974 de rejoindre le PS de Mitterrand, il n’entraîne derrière lui qu’un tiers des adhérents et la majorité maintiendra un PSU autogestionnaire, en dépit de diverses scissions (plus autogestionnaires encore ?), au moins jusqu’en 1981 sinon en 1989 où de fait il disparaîtra de la scène.

Il en va de même de la CFDT. Si une lutte autogestionnaire (en fait autogérée plus qu’autogestionnaire) est emblématique de la période, c’est Lip, constamment évoquée y compris par les libertaires. Qui oserait dire à Charles Piaget, membre de la CFDT et du PSU, qu’il n’était qu’un opportuniste ?! Il en va de même de Frédo Krumnov, plus oublié aujourd’hui mais quasi rival d’Edmond Maire à la tête de la CFDT, également dirigeant de la CFDT et membre du PSU.

Si, en raison de toute leur histoire, la référence à l’autogestion est immédiatement une évidence pour les libertaires, néanmoins l’essentiel du mouvement autogestionnaire et de la popularisation de l’autogestion dans les années 1970 a été au PSU et à la CFDT. Ses militants se sont peut-être trompés dans leur tactique ou leur stratégie ; ils ont été trahis par leur direction ; ils sont devenus minoritaires dans leur organisation, tout particulièrement à la CFDT ; et ils ont échoués. Mais en aucun cas il s’agissait d’opportunisme.

Autre problème. Lorsque est évoquée la Sécurité sociale comme prémices d’une socialisation autogestionnaire, les auteurs mentionnent que l’État s’est emparé et a dénaturé ce qui était à l’origine réellement des prémices puisque la Sécurité sociale avait été conquise et gérée par les syndicats. Ils oublient alors de dire que ces syndicats étaient ces affreux syndicats réformistes et/ou bureaucratisés devenus des suppôts de la « classe d’encadrement ». Dans la rigueur de l’analyse qu’ils déploient par ailleurs, ils devraient dire que la Sécurité sociale n’est qu’un instrument de collaboration de classes, partie du grand compromis fordiste et keynésien (ce qui a d’ailleurs été développé par certains penseurs radicaux). Évidemment, le problème c’est que la Sécu c’est vraiment bien et que c’est une extraordinaire invention.

http://www.autogestion.coop/spip.php?article152

 
A propos de éditions CNT-RP
Michel Bakounine, présentation de Frank Mintz, 2006, 72 pages. Ce court livre, le second de la collection « Classiques » des Éditions CNT, rassemble deux textes essentiels de Bakounine, « La politique de l’Internationale » (paru en 1868 dans L’Égalité) et « Organisation de l’Internationale » (publié (...)
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