La loi travail ou le culte libéral de l’individu

Au-delà des mesures spécifiques qu’elle contient la loi dite “travail” comporte un choix de société bien établi. Celui d’une société capitaliste libérale accomplie, avec pour toile de fond “l’individu”, son “capital” et sa prétendue “liberté”.

Le code du travail, jusqu’à ce jour, est fondé sur l’idée de “droit protecteur” : protéger le faible (le dirigé) contre le puissant (le dirigeant). Les exemples des inégalités entre ces deux parties sont nombreux : subordination du salarié à son patron, obligation contractuelle de loyauté vis-à-vis de son entreprise, licenciement de l’un par l’autre et évidemment jamais l’inverse, décision des augmentations de salaire, etc. Le “nouveau code”, selon la loi travail, abandonne cette idée protectrice et voudrait faire croire à une prétendue égalité. Cette loi, sans bien sûr rien changer à la domination du chef d’entreprise sur le salarié, introduit la vision d’un contrat “à égalité” entre l’employeur et l’employé, à l’image d’un contrat commercial ou de mariage.

De même, les CPA et autres CPF (formation), ou le compte pénibilité, relèvent de la logique de l’individu-entreprise gérant son “capital”. Et ce contre les principes d’entraide et de socialisation des richesses par les cotisations sociales (et non les “charges”, terme de la novlangue libérale), notamment la Sécurité sociale, le 1% logement, le chômage, etc. Quant à ceux qui n’auraient pas de “capital à accumuler”, l’État leur offrira la charité du RSA ou de la garantie jeune, en échange d’un contrôle et d’un chantage bien plus sévères...

Cette idéologie d’égalité libérale est un mythe. Les individus ne sont pas libres et égaux, nous nous en rendons compte chaque jour. Le capitalisme dans lequel nous vivons est fondé sur une distinction claire : ceux qui détiennent les moyens de production (le capital) et le pouvoir social qui en découle (actionnaires, dirigeants), contre celles et ceux qui n’ont que leur travail pour vivre. C’est ce qu’on appelle la lutte des classes.

Mais les travailleurs et travailleuses, à travers l’histoire, se sont à de nombreuses reprises opposés à cette logique. Ils ont arraché, pour nous tous, des droits fondamentaux : les congés payés, la Sécurité sociale, l’indemnisation chômage, l’organisation en syndicats, le droit de grève, la limite du temps de travail, les réparations en cas de licenciement, l’interdiction du travail des enfants, les conventions collectives et des salaires minimaux... Et cela non pas en se lamentant ni en quémandant aux puissants, mais en exigeant, en s’organisant et en luttant.

L’enjeu d’aujourd’hui est donc le retrait, strict, de la loi travail, comme celui du plan Jospin en 1991, Juppé en 1995, des CPE et CNE en 2006, mais surtout d’opposer notre logique, notre modèle de société à celui du capitalisme, particulièrement dans sa version la plus libérale.

Revendiquer qu’il est plus égalitaire et juste de socialiser les richesses que de les capitaliser chacun dans notre coin. Par exemple en renforçant la Sécurité sociale ou en assurant un véritable salaire à toutes et tous, quel que soit le “parcours de vie” ou “professionnel”.

  • Renforcer nos libertés réelles en donnant, par exemple, accès aux allocations chômage aux gens qui démissionnent.
  • Élargir nos droits et protections collectives, notamment le droit syndical, quelle que soit la taille de l’entreprise et son statut, vacataires ou contractuels.
  • Rétablir la hiérarchie stricte des normes, le chef d’entreprise et les actionnaires sont en position de force face aux travailleurs et travailleuses, ces derniers et dernières doivent donc être protégés.
  • Annuler les décrets restreignant les pouvoirs des CHSCT et des CE.
  • Arrêter immédiatement toutes les mesures qui restreignent nos “libertés fondamentales”, retrait de l’état d’urgence, liberté d’affichage et de diffusion de tracts dans l’espace public, etc.
  • Imposer la solidarité de classe et la liberté des peuples, accueil des migrants, arrêt des guerres impérialistes, liberté de circulation des hommes plutôt que celle bien réelle des capitaux.

Et pour cela, il nous faut retrouver les voies de l’auto-organisation collective, de l’autonomie des travailleurs (avec ou sans emploi), renouer avec les origines du syndicalisme, sans permanents ou dirigeants autoproclamés négociant à Matignon la longueur de nos chaînes. Acter que notre monde ne connaît pas l’égalité et la liberté, mais que c’est à nous de les construire dans nos propres institutions et non pas à travers celles avec lesquelles veulent nous encadrer patrons et dirigeants politiques. Accepter sereinement que notre arme est la solidarité quand la leur est de nous individualiser.

Face au capitalisme, c’est un autre futur que nous devons construire. Par la grève générale et la révolution sociale. Ne nous cachons pas, assumons que notre avenir et notre modèle de société ne dépendent que de nous.

Derrière la loi travail se cache un choix de société : transformer les individus en petites entreprises concurrentielles, une société capitaliste accomplie.

NE NOUS LAMENTONS PAS, ORGANISONS-NOUS !