Depuis maintenant quelques semaines, les travailleurs sociaux en formation se mobilisent contre l’application de la gratification des stagiaires, qui découle de la loi sur l’égalité des chances. Rassemblements, manifestations, occupations de centres de formation se multiplient partout en France. Les militants de la fédération CNT santé social et collectivités territoriales sont impliqués dans cette lutte.

On peut a priori voir dans le principe de gratification une avancée significative. Mais sur la forme, sa mise en œuvre risque d’engendrer de nombreuses difficultés pour les travailleurs sociaux en formation. Et sur le fond, cette mesure constitue une réponse dérisoire au problème de la précarité étudiante. En effet, il s’avère que seul le secteur associatif serait concerné par cette disposition. Le secteur public, lui, n’est pas tenu de gratifier ses stagiaires. C’est-à-dire que l’État, initiateur de cette mesure, se dédouane totalement des contraintes de cette loi. De plus, lors de la parution du décret, les budgets de la plupart des associations étaient déjà bouclés, ce qui fait que les fonds qui permettraient l’accueil de stagiaires n’ont pas été prévus. De nombreux travailleurs sociaux en formation sont donc dans l’incapacité aujourd’hui de trouver un terrain de stage, mettant ainsi en péril leur formation. Autre point obscur : qui verse la gratification ? La rétribution directe du stagiaire par l’organisme qui l’accueille risque en effet d’instaurer un rapport de subordination et une relation salariale qui n’a pas lieu d’être. Cela ne peut qu’accentuer l’utilisation des stagiaires comme salariés d’appoint et « bouche-trou ». Les modalités d’application révèlent en outre de profondes discriminations selon le type de formation suivie ou le statut du travailleur social en formation. Seules les formations préparant à un diplôme de type « supérieur » sont concernées (éducateur spécialisé, assistante sociale, etc.) alors que les moniteurs éducateurs ou les aides médico-psychologiques sont supposés effectuer des stages gratuitement. Les travailleurs sociaux percevant les Assedic, en contrat de professionnalisation ou d’apprentissage ne peuvent pas non plus, selon la Direction générale des affaires sociales, y prétendre. De plus cette gratification, qui s’élève à 398,13 euros et ne sera que ponctuelle, est bien loin d’endiguer la précarité qui touche de nombreux travailleurs sociaux en formation. À l’heure où on parle de pouvoir d’achat en berne, il s’agit de demander à des personnes de vivre et suivre une formation avec moins que le seuil de pauvreté ! La fédération CNT santé social et FPT soutient les travailleurs sociaux en formation dans leur lutte et se joint à leurs revendications pour exiger l’application égalitaire du principe de gratification. Mais, au-delà de cette question, elle défend aussi l’idée de la création d’un réel statut du travailleur social en formation et d’un revenu permettant d’enrayer les situations de précarité. Par ailleurs, cette mobilisation autour des gratifications augure l’émergence, au sein de la prochaine génération de professionnels du social, d’une culture de lutte qui fait aujourd’hui cruellement défaut dans ce secteur. Elle restera très certainement un acquis pour les luttes à venir…

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