Le 17 août, la police évacue le plus grand squat de France, occupé depuis avril 2003, un batiment de la cité universitaire de l’école normale à Cachan (94). Du jour au lendemain, environ 600 personnes se retrouvent à la rue. Cette histoire n’est malheureusement qu’une des péripéties qui émaillent notre vie sociale depuis maintenant plus de vingt ans. Elle est toute fois exceptionnelle, car tout y est superlatif : le nombre d’expulsés, la violence ou encore le mélange des genres de la part des politiciens comme des médias.

C’est un copain du syndicat de l’Éducation qui m’informe dans la journée : « Ils ont évacué le squat de Cachan. » Après le boulot, je me rends sur place. Dans une petite rue résidentielle, 200 personnes sont rassemblées, ceux qui n’ont pas accepté d’aller à l’hôtel, avec tout ce qu’ils ont pu récupérer en urgence de leurs affaires dans des grands sacs poubelle. Des dizaines de gamins en bas âge, des femmes, quelques matelas et des trombes d’eau qui commencent à tomber. On tend des bâches en catastrophe avec les pères, les militants et les quelques gens du quartier qui sont venus prêter main-forte. Un riverain me confie : « On ne peut pas assister à ça sans un violent malaise, parce qu’un ministre veut se faire un coup de pub1. » 600 personnes se retrouvent à la rue, livrées à elles-mêmes. De fait, c’est l’hôtel pendant trois semaines avec contrôle des papiers ou la rue, ou encore l’expulsion. Le lendemain, c’est pire. Le préfet décide d’évacuer la rue par la force, deux enfants de moins de deux ans ont le bras cassé, une femme fait une fausse couche. Un camp de réfugiés à Cachan Les familles se replient alors vers le gymnase que le maire a bien voulu concéder de mauvaise grâce. Les conditions ne sont pas meilleures. C’est petit, il y a un matelas pour trois, mais au moins il y a un toit. Les familles et le comité de soutien2 se rendent vite compte qu’ils ne pourront compter que sur eux-mêmes. La première nécessité est de s’occuper des enfants, les laver. Il y a 70 enfants dans le gymnase. Le maire de Cachan refuse d’ouvrir la crèche, en face. Je connais des parents d’une crèche associative dans la commune d’à côté. Après un appel, ils acceptent de prêter leurs locaux en urgence et de venir aider à s’occuper des enfants. Les vêtements étant restés dans le squat après l’expulsion, une collecte de vêtements à lieu, devant les supermarchés, sur les lieux de travail. À chaque problème, ce sont les militants, les bénévoles, qui trouvent des solutions techniques. Au bout de quinze jours, on dirait un camp de réfugiés. L’État à disparu, c’est pourtant une situation d’urgence qui nécessiterait que l’on débloque des fonds, mais voilà, ce sont des pauvres, et en plus ils ont le tort d’être étrangers. Dix ans après Saint-Bernard, c’est le même cynisme de l’État Depuis le début, le préfet ordonne des rafles dans les hôtels où certains ont accepté d’être logés. 42 personnes ont été mises en centre de rétention, un couple a été séparé de son enfant3. Le travail fourni par RESF et les juristes de la Cimade, les mobilisations dans les aéroports ou les tribunaux permettent d’en sortir quelquesuns. Pour les négociations, le préfet refuse même de recevoir les délégués des familles et n’accepte de discuter qu’avec les élus qui les soutiennent, témoignant ainsi d’un mépris total. Les solutions de réquisitions proposées ont été écartées par le préfet, celui-ci préférant rendre inhabitables les locaux en les abîmant4 plutôt que de les mettre à disposition. L’enjeu : la mobilisation Les familles ont fait preuve d’une forte solidarité en choisissant de rester ensemble. Leurs situations sont pourtant très diverses ; certaines, notamment, ont des papiers et auraient pu accepter l’offre d’hébergement de la préfecture.

Cette solidarité et l’intensification dela mobilisation autour des « 1000 de Cachan » ont permis quelques avancées et quelques libérations. La question de l’immigration Comme la lutte de Cachan, les mobilisations de RESF, autour du cas de Jeff par exemple, font état d’un courant de résistance de plus en plus important en France. Les mobilisations locales, militantes permettent très concrètement de gripper la machine idéologique xénophobe du gouvernement. Dans une dynamique locale, même un électeur UMP peut se rendre compte d’une trivialité : un étranger, c’est quelqu’un qui se lève le matin pour bosser, qui veut le mieux pour ses enfants, mais dont l’existence même est remise en cause parce que le gouvernement a choisi d’en faire sa cible politique. De moins en moins de gens l’acceptent, c’est heureux à nous de replacer ensuite la question sociale dans le débat politique. Comment ? Par la lutte, bien entendu !

Sylvain Éducation – 75