Accueil > Actualités > Chronique critique d’une lutte syndicale chez Vinci

Veni, vidi …vidi ?

Chronique critique d’une lutte syndicale chez Vinci

lundi 16 mars 2015, par cnt66

(Les textes en italique sont issus de l’article analysé ici)

Le journal Alternative Libertaire a publié dernièrement un article sur une grève dans le groupe Vinci, qui durant le mois de février dernier a bloqué pendant 5 jours quelques chantiers phares (1), du Major, en région parisienne.

Si nous constatons, et pouvons apprécier l’ampleur de ce mouvement, nos conclusions rejoignent-elles celles de nos camarades communistes-libertaires ?

Comme nous le faisons pour toute information concernant notre industrie, nous la soumettrons donc ici à une première analyse considérant, comme nos anciens du syndicalisme révolutionnaire, que si : « la réflexion acquiert, ce que l’action conquiert », autant ne s’agit-il pas de prendre nos vessies pour les lanternes de la révolution. L’éventuelle victoire du prolétariat sur le Capital ne peut, en effet, s’envisager qu’au prix de la lucidité, et d’une solidarité effective dans l’action syndicale quotidienne.

GRÉVE UNITAIRE : ACCORD GLOBAL ?

L’auteur de ce texte dit en préambule que cette grève massive aurait « déjoue(r) la division en filiales du géant du BTP Vinci ».

Près de 700 travailleurs en grève c’est en effet beaucoup. Mais encore faut-il raison garder, car Vinci Construction agrège 830 sociétés et 69 000 salariés dans une centaine de pays. C’est en France même : 450 implantations et 23 450 salariés. C’est donc 3% de l’effectif Français et 1% de l’effectif mondial qui s’est mis en grève.

Quand on lit ensuite les résultats obtenus, on peut constater que si la grève fut menée conjointement il semble que les négociations de fin de grève se firent filiales par filiales, et ce alors même que dans l’article il nous est dit que : « Le 7 janvier des délégués de 15 entreprises se réuni(rent), en intersyndicale (2), il fut décidé qu’aucune NAO (3) ne serait signée séparément dans chaque filiale avant d’avoir obtenu une négociation globale avec la maison-mère. »

Pour les salariés des agences régionales de 16 filiales (4) qui participaient au mouvement, la CGT communique les résultats de négociation dans seulement 10 de ces entreprises (5), et parmi celles-ci :

• Les salariés de l’entreprise Chantier Moderne n’obtiennent rien,
• Ceux de TPI et GTM obtiennent 0.8% d’augmentation,
• Ceux de Dumez, Sicra et Dodin obtiennent 1% d’augmentation,
• Ceux de GTM et CBC obtiennent 1.3% d’augmentation,
• Ceux de Sogéa et Bateg obtiennent 1.5% d’augmentation.

Sans bien sûr connaître l’ensemble des tenants et aboutissants de cette négociation, il apparait que la direction de Vinci a encore semé là le vent d’une discorde qui entravera une prochaine tentative unitaire. Qui n’entend pas sur les chantiers les ouvriers ayant, le moins, bénéficié du mouvement, dirent qu’ils ne serviront plus de faire valoir aux revendications des ouvriers des filiales déjà les mieux servies ?

Ce que paraît confirmer d’une part la tentative faite par la direction pour empêcher la grève : « Chez Sogea, où le syndicalisme est fort, elle a proposé 1,5% d’augmentation générale », et d’autre part le fait que seuls les salariés de Sogéa et Bateg obtiennent 1.5% d’augmentation. Que la CFDT, connue pour ses fortes tendances collaborationnistes, ai elle-même porté cette revendication à 1.5%, laisse présager des plus sombres discours tenus après la fin du conflit.

Quand notre camarade qui signe : Un militant syndicaliste gréviste, écrit : « Le mouvement, démarré simultanément sur la plupart des grands chantiers, s’est terminé tout aussi simultanément, sans qu’il s’effiloche. C’est déjà une grande réussite de mobilisation collective. », notre esprit, sûrement par trop critique, reste cependant sceptique. En effet on a vu précédemment que le résultat des négociations était loin d’avoir servi l’ensemble des salariés de la même manière.

Si Certains (6) ont pu gratter des compensations, aux pertes de salaires pour fait de grève :

• 4 seulement obtiennent le règlement des journées de grèves,
• 4 autres un panachage entre RTT, intempéries et primes diverses,
• 2 les seules primes de panier et trajet
• Les 6 dernières : rien.

GREVE UNITAIRE : GREVE TOTALE ?

L’auteur écrit : « sur les grands chantiers ce sont près de 2.000 ouvriers qui n’ont pas travaillé. », et précise : « L’esprit de solidarité et la ténacité dans l’organisation de la grève (malgré le manque de préparation sur certains chantiers) fut incroyablement élevé. ».

On s’étonne de tels propos tenus par un syndicaliste libertaire, qu’on peut penser adhérent de la CGT. Comment en effet envisager l’amateurisme dans la préparation d’une grève, par une organisation centenaire comme la CGT, dotée de délégués, de permanents, de « coopérants fédéraux » … A quoi servirait donc de s’affilier à une organisation syndicale disposant d’une telle expérience et de tels moyens, si c’est pour que chacun bricole dans son coin ?

On aimerait, pour l’exemplarité de cette grève et la préparation de celles à venir que l’article entre un peu plus dans le détail quand il dit : « La fédération CGT de la Construction-Bois-Ameublement a manifesté sa solidarité. ».

Une caisse de grève a-t-elle fonctionné ? Si c’est le cas, comment s’est réparti le soutien entre organisations syndicales, entre syndiqués et non-syndiqués ? Une cantine a-t-elle été mise en place ? Comment se sont organisés les piquets de grèves ? Comment on été mandatés les négociateurs ? Comment s’est votée la reprise du travail ? …

Comment se contenter alors de : « Plusieurs secrétaires fédéraux ont apporté leur soutien aux grévistes. » ?

Comment comprendre : « Il faut aussi remercier les ouvriers non grévistes de certaines entreprises qui n’ont pu travailler du fait des blocages des chantiers, et qui ont manifesté leur solidarité avec nous. » ?

Comment des salariés, non grévistes, payés à ne « pouvoir » travailler, pourraient-ils en vouloir à des ouvriers comme eux, qui leurs « offrent cette journée de repos » ? Si l’on ne doute pas partager avec l’auteur une même conscience de classe nous ne pouvons que trouver cette formulation maladroite. Elle laisse cependant présager en effet du peu de préparation d’une grève sur des revendications sectorielles laissant de côté les plus faibles (intérimaires, contrats de chantier, sous-traitants, …).

Quand on écrit : « l’esprit « un pour tous, tous pour un » conscience élémentaire d’appartenir à une même classe exploitée s’est manifesté avec force. » il serait judicieux de nous dire ce que ces catégories ont gagné elles-mêmes dans le conflit.

L’auteur évoque plus loin : « l’intersyndicale qui n’a pu jouer pleinement son rôle d’interlocuteur central pour les négociations et pour coordonner la lutte. ». Cette remarque nous renseigne sur la conception que peuvent avoir les confédérations dites représentatives sur la conduite d’une grève. On ne parle ici ni de comité de grève, ni de fonctionnement réel d’assemblées générales, aucun meeting central ne paraît s’être tenu pendant ces 4 jours de grève. Que faut-il en penser quand on sait que dans la plupart des entreprises, les syndiqués se compte sur les doigts de deux mains, que les sections syndicales ne tiennent pas de réunions, que les délégués n’ont généralement qu’une fonction représentative dans les instances prévues à cet effet, que souvent les salariés ne les connaissent pas ?

Si l’on connait les appréhensions que peuvent avoir les permanents de l’autonomie ouvrière, on peut s’étonner qu’un militant communiste-libertaire n’en fasse pas plus cas.

On peut supposer qu’a défaut de nommer des mandatés interchangeables et révocables pour discuter avec la direction centrale du groupe, les organisations syndicales ont préféré y envoyer des délégués rompu à la façon de s’assoir à la table de négociation. A trop fréquenter le patronat, on prend malheureusement très vite de mauvaise habitudes.

Quand on lit : « cette situation (…) n’est pas le résultat d’un comportement d’un ou deux délégués « achetés par le patronat » (…) et n’est que l’illustration de l’état de conscience de classe et de l’organisation syndicale. », ne peut-on y retrouver l’argumentaire fallacieux de tout tenant d’une parcelle de pouvoir (comme celle de représenter les autres au nom d’une élection bidon) ? Si l’on obtient pas plus, ce serait pour cause de léthargie de la classe ouvrière et non de la responsabilité de pratiques autoritaires et confiscatoires d’organisations syndicales sclérosées ?

Nous restons persuadés que c’est à l’organisation syndicale de mettre en place les moyens de l’autonomie de classe. Nous ne pouvons que nous rappeler avec plaisir la déconvenue de patrons face, non aux délégués auxquels ils s’étaient habitués, mais de jeunes délégués d’un comité de grève, portés par le mouvement, enthousiastes à vivre une expérience nouvelle. Ce n’est pas trois adhésions après mouvement (comme nous l’indique la CGT de Sogéa) mais plusieurs dizaines, porteuses d’un sang nouveau, que des mouvements de ce type sont en capacité d’apporter au syndicalisme de lutte.

GRÉVE UNITAIRE : QUEL BILAN ?

« Certains pensent que nous n’avons pas atteint complètement nos objectifs. »

Quels seraient donc ces « certains » qui sifflent et murmurent au taff ?

Nous ne pouvons que penser aux salariés qui souffrent du syndicalisme d’entreprise qui depuis des décennies gangrène notre industrie.

Le discours tenu dans l’article : « Ce fut une grande victoire régionale qui n’a pas de précédent et qui permet d’espérer d’autres mobilisations plus importantes, seules garantes de succès plus importants. », ressemble par trop a celui tenu par les bureaucraties syndicales promptes à organiser des journées d’action…sans lendemain. Quand le militant syndicaliste gréviste reprend cet argument il y a tout lieu de s’interroger sur son libre arbitre, sur cette communion de classe qu’il évoquait plus haut.

Dans un syndicalisme, encore meurtri de forceps léninistes, le militant conscient semble toujours craindre de « désespérer Billancourt ». Cet article en apporte encore la preuve tant il évite de remettre en cause les conditions du mouvement de grève, et la responsabilité des organisations syndicales. Quand la frontière existe au sein de la classe, que la défiance envers les organisations ou partis sensés la représenter, elle va au-delà de la fracture avec le permanent ou le député. Le militant syndical bénévole qui défend, sans jamais prendre de recul, une organisation vérolée par le fonctionnarisme syndical, ne peut être qu’associé, par la grande majorité des travailleurs, à ces dérives parfois mafieuses et pour le moins d’intérêt personnel. La tragi-comédie qui vient de se dérouler à la direction de la centrale montreuilloise n’en est que la pitoyable illustration.

Cet aveuglement, que ne peut justifier la probité des militants de base, qui fait dénoncer chez l’autre : « certains délégués, à l’encontre de la décision de l’intersyndicale ont tenté de négocier seuls ou n’ont pas su résister face aux pressions de leurs patrons. », ce qui se produit au sein de sa propre organisation, laisse songeur.

Si l’auteur indique : « Nombre de négociations (…) ne s’appuient sur aucun travail sur le terrain. », il tempère par un nouveau coup de clairon : « Là où il y a eu une résistance sans faille, des organisations syndicales d’entreprises solides, formées de militants convaincus, les patrons se mordent les doigts. ». Dans le mouvement de récession sociale que nous subissons, se contenter de formules creuses, c’est continuer à aller droit dans le mur (et cela même si c’est à son pied qu’on reconnaît le maçon). En effet qu’est-ce qu’ :

• Une résistance sans faille ?

A notre sens une résistance sans faille ne peut être qu’une offensive générale. Résister n’est pas conquérir et comme dit une chanson sûrement connue de notre auteur : « c’est reculer que d’être stationnaire ». En ce sens, la situation actuelle serait plutôt celle du sauve-qui-peut ou chacun essaye de sauver sa peau, ce qui donne tout son sens à : « Nombre de délégués (…) sont sur le terrain (…) de la soumission au patronat, dans la recherche systématique d’un compromis sans rapport de force, qui se termine souvent mal pour les travailleurs. ». Comme nous le disions en préambule : L’éventuelle victoire du prolétariat sur le Capital ne peut s’envisager qu’au prix d’une lucidité, qui réclame de ne pas s’étourdir soi-même en se jouant du pipo.

• des organisations syndicales d’entreprises solides ?

Il est toujours fastidieux, mais nécessaire, de rappeler que l’organisation de base du syndicalisme n’est pas la section syndicale d’entreprise mais bien le syndicat d’industrie. Le fait que l’auteur utilise le terme vague d’ « organisation » montre bien la confusion entretenue depuis des décennies par des confédérations pour qui le syndicalisme d’industrie est porteur d’un projet révolutionnaire (la syndicalisation des moyens de production) dangereux pour le confort de dirigeants d’organisations syndicales (on emploi ici le terme à dessein) qui depuis les années 20 ont renoncé à renverser le Capital et fait le choix du réformisme. Quoi que veuille croire les idiots utiles (du léninisme, du stalinisme ou de la sociale démocratie), qui font bouillir la marmite, les dignes continuateurs de Léon Jouhaux ne croient qu’à la meilleure formule pour tirer leurs marrons du chaud.

« Souvent, en fait, il n’existe pas de véritable syndicat d’entreprise qui fonctionne vraiment, mais des individus syndiqués. ». La seule structure syndicale qui vaille est celle du syndicat d’industrie dont la section syndicale dépend. C’est lui qui porte le projet social alternatif, mutualise les moyens de la solidarité, maintient l’esprit de classe et s’oppose à la collaboration larvée contenue dans l’agencement des Instances de Représentation du Personnel.

• formées de militants convaincus ?

Qui sont donc ces militants, si ce n’est aujourd’hui (malheureusement comme hier) des militants formés dans quelques cénacles politiques et qui tentent pour le moins d’orienter idéologiquement les unions locales ou régionales et y pécher quelques illuminés pour rejoindre leurs différentes sectes, et au pire briguer des mandats de permanents pour rester près du poële ou encore domestiquer les organisations de travailleurs dans leur conquête du pouvoir politique ?

« Même quand la CGT est la seule représentante sur une entreprise, il n y a pas fonctionnement collectif. »

Sans syndicats d’industrie comment former ces militants ? Et des militants convaincus de quoi ? De l’opportunité de mettre le bon bulletin de vote ?

Que penser de ces confédérations vérolées par le Front National, si ce n’est encore en militants, pour le moins par ces idées rampantes et nauséabondes de racisme, de sexisme, d’homophobie ?

Que penser de revendications essentiellement salariales qui n’interrogent ni la consommation, ni le productivisme, ni la destruction de notre environnement et qui amène, comme il y a quelques jours, des dockers CGT de Saint-Nazaire à attaquer et violenter des écologistes ?

• les patrons se mordent les doigts

Quand on annonce que le groupe VINCI a fait 2,5 milliards de résultat pour 2014, peut-on réellement penser que l’augmentation obtenue conduiraient leurs patrons et actionnaires (7) à ne plus disposer que de leurs premières phalanges ?

QUELLE ORGANISATION, QUEL PROGRAMME POUR LE SYNDICALISME DE LUTTE DE CLASSE ?

« (Si) le patron, avec sa force et son pouvoir économique, sa discipline, son service du personnel (DRH), la mobilisation des cadres (…), ses règles disciplinaires, ses mesures discriminatoires envers les meneurs... est très bien organisé. Nous ne pouvons en dire autant des syndicats dans de nombreuses entreprises. »

Et pourtant, la CGT, à elle seule, « représente » :

• 46.23% des 343 000 ouvriers des entreprises de bâtiment de moins de 10 salariés
• 39.12% des 69 400 ouvriers des entreprises de bâtiment de plus de 10 salariés
• 29.30% des 76 400 Etam des entreprises de bâtiment

Concevoir, encore une fois, la lutte syndicale comme un rapport de force au sein des seules entreprises, c’est perdu d’avance. Ce qui fait la force du syndicalisme s’est bien de promouvoir un syndicalisme d’industrie qui dépasse le clivage interne de l’entreprise pour, enflé de sa solidarité corporatiste, industrielle et interprofessionnelle rétablir un équilibre qui fait plier les directions patronales.

Constater, comme le fait l’auteur, des effets néfastes du paritarisme : « Certains syndicats ou délégués, au lieu de défendre l’intérêt général, défendent leur situation, et leur faiblesse ou leurs intérêts sont au cœur de leur activité. Ce comportement conduit les travailleurs à perdre confiance en leur force, et il n’est pas possible pour eux de faire l’expérience que leur lutte unie les conduits à faire plier le patronat. », devrait permettre une relativisation de l’usage syndical de la représentativité, ce que malheureusement il ne fait pas.

En faire porter la responsabilité sur les syndicats jaunes : « On sait que la CFDT ou la CFTC au niveau national sont des « partenaires » du gouvernement qui promulgue des lois contre l’intérêt des travailleurs. », évite de mesurer la propre collaboration de classe entretenue par la direction CGTiste avec le soutien conscient ou non de ses adhérents. Il est des constats difficiles à envisager.

L’argument qui veut que : « l’unité des salariés et l’unité syndicale à la base » soit réclamée par ces derniers parce qu’elle : « est favorable à la lutte. », n’est qu’une demi-vérité. En effet, personne ne contestera que cette unité est un préambule posé par les salariés candidats au conflit. Qu’elle soit favorable à la lutte est malheureusement contredit par les faits. On sait tous que les rats seront les premiers à quitter le navire. Comme cela se fait toujours et sûrement aussi ici. Quand l’auteur écrit : « si, au cours de la lutte, elle était devenue un obstacle », on se doute bien que CFTC, CFDT, et même FO (sûrement très présente dans l’encadrement) sont allés au mouvement en reculant et en mettant rapidement les pouces.

Ce qui fait reculer le patronat ce n’est pas l’unité de la classe ouvrière (qui elle peut faire reculer l’État), mais bien la perte de profit. En cela le syndicat n’a pas besoin de l’unité ou de la majorité des salariés dans un mouvement de grève. Au moyen de la grève tournante, de la grève perlée, du sabotage, et de tous les outils de lutte forgés par le syndicalisme à son origine, il peut bien évidemment amener, sur ses bases, les directions patronales à la table des négociations.

Ce que les salariés attendent aujourd’hui, ce n’est pas tant l’unité de classe (tant (g)révée par les révolutionnaires) que des résultats tangibles. C’est à notre sens la meilleure façon de réduire la division syndicale à néant.

LE SYNDICALISME N’EST AFFAIRE NI D’HEROISME NI DE MARTYROLOGIE

Une forme de romantisme révolutionnaire, voudrait que la pédagogie de la grève supporte la désignation d’acte héroïque pour l’édification des masses. L’article que nous analysons ici n’y fait malheureusement pas défaut. On nous relate l’attitude d’un « un ouvrier de chez Eiffage (qui) solidaire de la grève sur le chantier d’Achères » aurait été muté sur un autre chantier.

« Lors du dernier jour de grève, les grévistes ont rendu hommage à cet acte de solidarité et ont demandé la réintégration de ce camarade sur le chantier en menaçant de poursuivre la grève. Finalement ce travailleur est revenu sur le chantier. C’est la solidarité entre les travailleurs qui l’a permis. Belle illustration d’une prise de conscience d’appartenir à une même classe. »

Frappez tambours, Sonnez trompettes ! les murs de Jéricho en ont sûrement tremblé.

Sans dénier, au salarié concerné, la force de sa déclaration de solidarité, ce fait mérite de montrer les ravages du syndicalisme d’entreprise dans l’unité corporative. On nous dit que ce salarié l’est d’une filiale du groupe Eiffage, où la représentativité syndicale existe pourtant et ou la CGT est présente. Or à aucun moment il n’y a extension du conflit aux autres entreprises, ni travail syndical d’industrie tendant à porter le mouvement chez les autres Majors, et leurs sous-traitants. L’acte est et demeure individuel et la contestation de la mutation de la seule expression des grévistes, comme si les équipes syndicales d’Eiffage étaient inexistantes.

L’action syndicale ne relève ni de l’action individuelle, ni de la liturgie des martyrs.

Nous ne pouvons que mettre en garde contre une idéologie avant-gardiste du combat relevant du spontanéisme : « La lutte est à la fois sélective et unificatrice. Elle permet de savoir qui a vraiment envie de se battre. ». La force syndicale, organe de lutte quotidienne mais aussi cellule de transformation sociale et économique, se construit dans les outils de négociation, de lutte, de formation mis en place patiemment dans un objectif d’autonomie prolétarienne, qui s’acquiert de mille façon et certainement pas seulement dans une mythification d’un combat que la réalité jettera très rapidement au sol.


(1) Usine Traitement des Eaux – Achéres (78) ; La Canopée – Chatelet/Les Halles (75) ; Stade ARENA – Nanterre (92) ; Station d’épuration des Eaux SMAROV – Saint Cyr L’école (78) ; Siège VEOLIA – Aubervilliers (93)

(2) CGT, CFDT, FO et CFTC

(3) négociation annuelle obligatoire

(4) Sogea-TPI, Sogea-IDF, GTM-Bâtiment, GTM-TP, Dumez, Chantiers modernes, Bateg, Sicra, CBC, Botte Fondation, EMCC, Dodin CB, Petit, Delair-CFD, Lainé-Delau, Solumat.

(5) Accords de salaires
- SOGEA TPI :
0.8 % collectif + 0.6 % individuel (1,4 %au total) + prime de 350 €
Maintien de la cotisation employeur à l’APAS
Jour de grève (2 jours de RTT et 2 jours 50 € par jour)
Panier + 10 centimes
- SOGEA IDF :
1,5% collectif + une prime de 126 € (ouvrier)
1 % collectif + 0.5 % individuel (ETAM-CADRE)
Prime de 64 € et un panier par jour de grève + panier et trajet
Augmentation du Panier : + 60 centimes (dont 30 centimes avant + 0.30 centimes après la grève).
- GTM Bâtiment :
1,3 % collectif + 150 € de prime
Jours de grève : 1 jour payé, 1 jour en intempérie, 2 jours en RTT + paiement du panier et du trajet
- GTM TP :
0.8 d’augmentation collective + 0.7 % individuel (1.5 % au total) + une prime de 180 €
Plus une prime pour les jours de grève.
- DUMEZ :
1 % Collectif + 0.6 % individuel (1,6 % au total)
50 € par jour de grève.
- CHANTIERS MODERNES :
Pas d’avancé, la direction s’appuie sur l’accord NAO signé avant la grève.
- BATEG :
1,5 % collectif + 250 € de prime
Paiement du panier et trajet pour les jours de grève.
- SICRA :
1 % Collectif + 0.6 % individuel (1,6 % au total)
50 € par jour de grève.
- CBC :
1.3 % collectif + 200 € de prime
Jours de grève : paiement du Panier et trajet..
- DODIN :
1 % collectif + 0.5 % individuel (1.5 % au total)
Jour de grève : 50 € par jour + paiement des GD et pour le vendredi 50 € + 32 €
- SRC :
1 % Collectif + 0.6 % individuel (1,6 % au total)
50 € par jour de grève.
- PETIT :
Pas de communication d’accord.
- BOTTE FONDATION :
Pas de communication d’accord.
- EMCC :
Pas de communication d’accord.
- DELAIR CFD
Pas de communication d’accord.
- LAINE-DELAU
Pas de communication d’accord.
- SOLUMAT
Pas de communication d’accord.
(6) Prise en charge des jours de grève.
- DUMEZ, SICRA, DODIN , SRC :
50 € par jour de grève.
- SOGEA TPI, GTM Bâtiment, GTM TP, SOGEA IDF :
Panachage en RTT, Intempérie, primes …
- BATEG, CBC :
Paiement du panier et trajet pour les jours de grève.
- CHANTIERS MODERNES :
Rien
- EMCC, PETIT, BOTTE FONDATION, DELAIR CFD, LAINE-DELAU, SOLUMAT
Pas de communication d’accord.

(7) Le 4 février 2014, M. Huillard, PDG de Vinci faisait valoir ses Stock Options. Achetés au prix unitaire de 24,195 euros, revendus aussitôt à 42,36 euros, il gagnait alors 635 000 euros en quelques minutes.

http://www.cnt-f.org/subrp/spip.php?article736