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Mort de Rémi Fraisse : les médias encore à côté de la plaque.

vendredi 7 novembre 2014, par Ch

Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et
que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée
dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire
plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la
plaie. »
Cette citation d’Albert Londres est l’une des plus fondamentales de la
profession journalistique. Nous, travailleurs de la presse et des médias,
avons le regret de constater que la couverture médiatique autour de
l’assassinat de Rémi Fraisse ne donne pas l’impression que la profession
s’inspire de celui qu’elle désigne volontiers comme son modèle.

La mort d’un manifestant tué par les forces de l’ordre constitue l’une des
plus graves situations que puisse connaître une société qui se veut
démocratique. Les différents médias d’information semblent ne pas vouloir,
dans leur écrasante majorité, prendre la mesure de l’évènement. Pire, la
plupart des rédactions semblent avoir pris leur parti dans cette affaire,
là où le public serait en droit d’attendre pour le moins l’impartialité,
l’honnêteté et le sérieux.
Ainsi, après que Rémi Fraisse eut été tué dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 octobre, les rédactions s’accommodèrent des informations de la
gendarmerie et de celles du procureur d’Albi et se contentèrent de couvrir
l’évènement comme un simple fait divers.

Les versions changeantes de la gendarmerie, l’usage avéré de grenades
offensives contre des manifestants et, simplement, un mort dans une
manifestation en France sont autant de raisons, pour les rédactions, de
mener une enquête sérieuse et indépendante, afin de remplir leur rôle de
contre-pouvoir.
Dans cette affaire, les rédactions semblent avoir fait leur choix, celui
d’être faible avec les forts et fort avec les faibles. Plusieurs médias se
sont étonnés de l’absence de réaction du gouvernement dans les premières
quarante-huit heures alors qu’aucun n’aura pris la peine de poser les
questions qui fâchent à ces mêmes responsables politiques pourtant si
disponibles d’habitude pour commenter l’actualité et lancer des petites
phrases.
Il a fallu la publication d’une contre-expertise, lundi 27 octobre, pour
amener les rédactions à poser la question de l’utilité du projet de
barrage du Testet.
En revanche, les mêmes médias se sont permis de relayer des rumeurs sans
fondement et des informations non vérifiées à propos des opposants
présents sur le site. Ainsi, Rémi Fraisse a été calomnié, les médias se
permettant de faire courir le bruit qu’il était sous l’emprise de l’alcool
au moment des faits ou encore que son sac à dos contenait des explosifs.
Le même traitement médiatique a été infligé à Elsa, l’opposante blessée le
7 octobre à Sivens par une grenade lancée par un gendarme dans la caravane
où elle se trouvait avec plusieurs personnes, même traitement médiatique.
Dans les médias traditionnels, impossible d’entendre sa version des faits
 pourtant étayée par une vidéo montrant un gendarme jeter une grenade
dans sa direction - sans que sa parole soit accompagnée de termes mettant
insidieusement en doute son honnêteté.

Nous, travailleurs de la presse et des médias, sommes révoltés à plusieurs
titres par les dérives constatées dans le travail de nombreuses
rédactions. D’abord, parce que ces errances choquent notre conscience de
professionnels et d’êtres humains comme elle choque la conscience de tout
lecteur ou spectateur en droit d’attendre une information de qualité.
Ensuite parce que ces errances ne font que créer un climat de défiance
chez beaucoup. C’est à cette défiance que doivent se confronter, de plus
en plus, les reporters, journalistes reporters d’images, photographes et
techniciens qui couvrent l’actualité sociale. Nous, travailleurs de la
presse et des médias, refusons d’être les instruments de l’oppression.

Il ne peut y avoir de démocratie dans un pays où l’État assassine ses
opposants.
Il ne peut y avoir de démocratie dans un pays où la presse se rend
complice de l’État.

Le Syndicat Interprofessionnel de la presse, des médias, de la culture et
du spectacle - Confédération nationale du travail.

Syndicat interprofessionnel de la presse, des médias, de la culture et du
spectacle - SIPMCS-CNT.
http://www.cnt-f.org/sipm/


Voir en ligne : Syndicat interprofessionnel de la presse, des médias, de la culture et du spectacle - SIPMCS-CNT.