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N’autre école, ils vont la faire !

mercredi 26 mars 2014

... N’autre école[1]… ils vont la faire !

Des syndicats qui n’hésitent pas de mettre la transformation des pratiques pédagogiques au cœur de leurs préoccupations immédiates ? Et bien, surprise, ça existe ! Et foin de récriminer et revendiquer (ce qui n’empêche pas !), ce sont les syndiqués qui se remettent eux-mêmes en cause. Il s’agit de la CNT et de SUD[2], tant pis pour la pub, mais ça le mérite !

Déjà, ils s’étaient retrouvés à Paris il y a quelques semaines pendant deux jours, plus de 300, uniquement pour s’aider mutuellement à penser « enfants » et « adolescents » au lieu de penser « élèves ». Il y a deux mois c’était à Limoges (voir le billet), hier c’était à Toulouse où une cinquantaine était attendue mais c’est plus d’une centaine qui a envahi les locaux syndicaux peu habitués à de pareils trouble-fêtes. Pardon, ce n’était pas pour troubler une fête, c’était pour qu’un jour, et même dès le lendemain matin, par petits ou grands bouts, l’école change et soit une fête pour les enfants comme pour les profs.

Ce qui m’a frappé, c’est le dynamisme de tous ces participants(es), une forte envie de changer sans attendre en même temps qu’une grande lucidité. En une journée ils (elles) ont balayé tout la problématique de l’école, des apprentissages, des conséquences aussi bien cognitives, psychologiques, affectives que sociales et sociétales de chacune de leurs actions, de leurs comportements, de leurs façon d’être, de faire, de faire faire ou de ne pas faire faire...

Habituellement, même lorsqu’il y a envie, on entend d’abord déverser la plainte, ce qui empêche, des déceptions, des anecdotes récentes désagréables où beaucoup ont été malmenés voire broyés (ce qui est légitime, tous en ont !)… ce qui aboutit au « oui mais ce n’est pas possible, dans l’état actuel du système éducatif, de l’administration, des parents… » (ce qui n’est pas tout à fait inexact !). Et bien, rien, absolument rien de tout cela ! Ils, elles ont pris l’école à bras le corps, c’est-à-dire elles et eux dans l’école où enfants et adolescents sont au centre. J’ai vraiment été impressionné et enthousiasmé par la force qui se dégageait de ce stage.

Peu importait leurs options pédagogiques (traditionnelle, Freinet, pédagogie institutionnelle, pédagogies actives…), les établissements où ils travaillaient (maternelle, primaire et secondaire), leur degré d’expérience (débutants(es), chevronné(es),… retraité(es)…). Il ne s’agissait pas de défendre une pédagogie particulière, un dogme quelconque, il s’agissait de s’entraider à changer, d’échanger et de mutualiser ce qui pouvait servir aux uns ou aux autres, et même de se laisser interpeler dans ce qui dérange (un atelier s’intitulait « le maître ignorant »… aussi efficient que le maître savant ?).

Pour que les enfants aient du plaisir à être et vivre dans l’école, pour que les profs aient du plaisir ! Ce plaisir, certains(es) déjà en jouissaient. Pour d’autres on pouvait lire une certaine angoisse, voire une certaine souffrance sur les visages. Le doute, il faut quelque temps pour le faire disparaître (du temps, et les autres), d’autant que chacun(une) connaît les difficultés de tous ordres qu’il(elle) aura à affronter. Ce n’est pas dans la tranquillité qu’ils(elles) s’installeront. Il y a aussi la peur de ses fragilités, de ses faiblesses, mais c’est plutôt des fragilités qu’on se suppose avoir. J’ai beaucoup aimé la confiance que celles et ceux qui avaient déjà confiance leur insufflaient. Ce qu’on prend pour des fragilités sont aussi des richesses.

J’ai eu le plaisir de vivre intensément cette journée avec elles et eux. Il s’en est dégagé un souffle qui est en train de se propager.

Merci pour l’optimisme que vous redonnez. Et bravo à la CNT et à SUD !

Texte de Bernard Collot repris à Questions de classe(s).


Bernard Collot est intervenu lors du stage syndical organisé par la CNT 31 et par Sud 31 lors d’une journée consacrée aux pédagogies alternatives.

[1] « N’autre école » est le titre de la revue de la CNT qui va bien au-delà des simples revendications.

[2] J’avais déchiré ma carte syndicale en 1969 et depuis m’était totalement désintéressé de ce type d’organisations et de leurs luttes fratricides ! Et voilà que ces deux-là invitent un non-syndiqué et même réfractaire à tout encartement (un mécréant !) à parler pédagogie avec eux ! Je n’ai pas regretté le voyage !