Retrait du Livret Scolaire Unique Numérique

, par cnt09

On assiste actuellement à une accélération de la mise en place du LSUN (Livret scolaire unique numérique). À la suite du Livret personnel de compétences (LPC), de Base Élèves, Affelnet,... cet outil soulève des questions majeures, lourdes de conséquences : fichage généralisé, droit à l’oubli, renforcement de la hiérarchie, liberté pédagogique

Ce nouveau livret scolaire numérique, qui préoccupe jusqu’au Comité des droits de l’enfant des Nations unies, est rempli de données hautement sensibles. Couplé au fichier Base Élèves 1er degré (BE1D), il doit remplacer le Livret personnel de compétences (LPC), déjà dénoncé par nos organisations... Le LSUN intègre en effet, dans une même base de données : • le niveau de maîtrise du socle commun ; • les bulletins périodiques des élèves pour chacun des cycles ; • les bilans de fin de cycles ; • les attestations obtenues (sécurité routière, savoir­nager, formation aux premiers secours...) ; • des éléments relatifs à la vie scolaire au collège (absences, retards, comportement) ; • des éléments de suivi des élèves en difficulté ou à besoins particuliers (PPRE, Rased, UPE2A, Ulis, PPS, PAP, PAI). Si la mention de ces éléments a un caractère facultatif, aucune information n’est donnée aux enseignant­es dans ce sens. Ces éléments vont donc être le plus souvent renseignés faute d’information. De plus, dans la mesure où ils figurent déjà dans le LSUN, ils peuvent facilement devenir obligatoires. Les parents ne sont pas informés, et leur consentement n’est bien sûr pas demandé ! L’évaluation produite dans l’école sort définitivement d’une relation personnelle entre l’enseignant­e, l’élève et ses parents qui, s’ils en sont destinataires, sont mis devant un état de fait. Le livret scolaire appartenait à la famille, il devient désormais propriété de l’État !

SUPPRESSION DES INFORMATIONS

La mise en place du LSUN a pour conséquence la sup­ pression de tout droit à l’oubli. Il constitue année après an­ née un « casier scolaire » numérique qui ouvre la voie à un fichage à vie. Le droit à l’oubli n’est pas garanti. Hormis une déclaration à la CNIL quant à l’effacement des don­ nées un an après la fin du cycle 4, le MEN ne s’est doté d’aucun moyen de le faire, n’en a pas précisé les modalités ni les moyens techniques, pas plus que la mise en œuvre...

FICHAGE GÉNÉRALISÉ

Depuis la « Loi travail », le fichage se poursuit par le biais du « Compte personnel de formation », du « Passeport d’orientation, de formation et de compétences » et, de 16 ans jusqu’au décès de la per­ sonne, du « Compte personnel d’activité ». Les fichiers sont accessibles sur simple demande par les maires, la police et la justice sous couvert du « secret professionnel partagé » (loi sur la prévention de la délinquance du 5 mars 2007), les préfets en ap­ plication du « droit de communication » (loi du 7 mars 2016 relative aux droits des étrangers en France), et potentiellement toutes les ad­ ministrations par interconnexion de fichiers (loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011). Cela est rendu possible grâce au RNIE (Répertoire national des iden­tifiants élèves, étudiants et apprentis) qui permet d’identifier les élèves et de croiser les différents fichiers.

PÉDAGOGIE

Le codage des compétences avec datation est fondé sur une vision parcellaire de la pensée et des apprentissages, un déni de la complexité de l’acquisition des compétences, comme du rôle essentiel de l’évaluation formative (par exemple l’auto­évaluation de ses apprentissages par l’élève). C’est en fait une série d’artifices pour donner l’illusion, en cochant des cases, que l’école remplit bien sa mission. Or, une évaluation formative ne peut pas relever d’injonc­ tions institutionnelles. Qu’en est­il des outils construits par les enseignant­e­s dans le cadre de leurs pratiques pédago­ giques pour faire progresser leurs élèves à leur rythme en s’appuyant sur les acquis et les recherches des pédagogies al­ ternatives et coopératives ?

HIÉRARCHIE RENFORCÉE

Ce livret est mis en œuvre dans une certaine précipitation, avec de nombreuses pressions hiérarchiques, au détriment du temps d’ensei­gnement, de la liberté pédagogique et de l’in­térêt supérieur des enfants. Les inspections sont ainsi dotées d’un excellent outil de contrôle des professeurs : nombre d’évaluations, progrès at­ tendus des élèves, suivi du programme,... Le LSUN n’est pas un outil de bilan qui ferait état des progrès et évolutions des élèves mais il apparaît comme une « attestation » de mise en conformité des enseignant­e­s avec les pro­grammes et injonctions institutionnels

Les syndicats et les associations CNT éducation, SUD éducation, AFJK (association française Janusz Korczak), ICEM­Pédagogie Freinet, FFPU (Fédération française pour l’UNESCO), LAP (Lycée autogéré de Paris) et lycée expérimental de Saint­Nazaire s’opposent fermement par tous les moyens à la mise en place du LSUN. Ils appellent leurs militantes et militants, ainsi que les structures partenaires (mouvements pédagogiques, syndicats, associations de parents d’élèves et de défense des Droits de l’Homme et du citoyen...), à se joindre à cette opposition afin de créer les conditions nécessaires au retrait de ce projet