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Éducation : les mutations, une lutte collective !

carte-academiesBeaucoup de collègues s’intéressent en ce moment à la question des mutations. Chaque année, entre fin novembre et les premières semaines de décembre, les serveurs informatiques sont en effet ouverts pour formuler les vœux.

Le casse-tête des mut’

Le casse-tête administratif n’est jamais simple : calcul des points, prise en compte de la situation familiale, pari sur le nombre de points nécessaire, classement dans la procédure d’extension des académies… Et dans cette équation aux multiples variables, il est impératif d’appréhender l’impact des politiques ministérielles successives. En effet, les règles du jeu évoluent au fil des ans, rendant impossible une stratégie de mobilité professionnelle à long ou moyen terme. Sous couvert d’adaptation aux besoins des académies, le nombre de points correspondant à des situations particulières change régulièrement dans le temps et en fonction des académies d’accueil. Par exemple, jusqu’en 2005, 6 ans d’ancienneté au sein d’un établissement classé sensible entraînait une bonification de 600 point alors qu’à partir de 2005, il faut attendre 8 ans dans un établissement APV (affectation à caractère prioritaire justifiant une valorisation) pour bénéficier de 400 points. De même, dans le cadre du mouvement intra-académique, l’académie de Rennes compte 200 points pour avoir été TZR pendant 8 ans alors que l’académie de Lyon n’en compte que 120. Si ces éléments ne sont pas négligeables, ils interviennent à la marge. Mais deux décisions ont grandement modifié nos droits à la mobilité.

Suppressions de postes et précarisation

La décision de réduire le nombre de fonctionnaires a entraîné une réduction progressive du nombre de postes disponibles. Pour rappel, autour de 80 000 postes ont été supprimés entre 2007 et 2012. Et les quelques créations depuis la présidence d’Hollande sont loin d’envisager un rattrapage d’ici 3 ans. En parallèle, il ne faut pas oublier que la précarité s’est lourdement accrue dans nos établissement. Si elle était déjà importante pour les collègues de vie scolaire et les collègues ATOSS, elle s’est développée chez les personnels enseignants. Ainsi, en moyenne, 8 % des professeurs sont en contrats précaires (vacataires, contractuels, CDI) dans l’Éducation nationale. Mais ce chiffre monte à 12% dans l’académie de Créteil, à plus de 20% dans le second degré, et plus de 30% dans certaines académies pour l’enseignement professionnel. Le nombre de postes potentiellement ouverts à la mobilité s’en trouve automatiquement limité. Il n’est donc pas étonnant de constater une tendance générale à l’augmentation des barres d’entrée dans les académies. Certes, d’autres problèmes, plus importants, touchent les collègues victimes de leurs contrats précaires et la lutte contre la précarité est un impératif pour le respect de tous les collègues. Mais les titulaires ont eux aussi un intérêt direct dans cette lutte.

Destruction de l’éducation prioritaire

Depuis bientôt deux ans, le ministère s’est attelé à la tâche de détruire l’éducation prioritaire. Sa philosophie est la suivante : réduire le nombre d’établissements et de quartiers qui « bénéficient » des dispositifs de l’éducation prioritaire (alors que, bien sûr, la réalité sociale des établissements sortis du dispositif ne s’est pas miraculeusement transformée). À la rentrée 2015, le dispositif comptera 1 081 réseaux (dont 781 REP et 350 REP+). Officiellement, les heureux élus se verront attribuer des moyens supplémentaires. Mais, dans la réalité, il faut savoir que ces moyens ne sont pas toujours au rendez-vous. Par exemple, pour la rentrée de septembre 2014, un collège de Seine-Saint-Denis labellisé REP+ a eu une dotation horaire globale plus faible qu’auparavant. Alors, le lien avec les mutations peut sembler lointain. Pourtant, cette réforme anti-pauvres a aussi une conséquence, par ricochet, sur le système des mutations. En effet, les collègues affectés dans les établissements ZEP ou APV bénéficiaient de points supplémentaires pour encourager la stabilité des équipes. Or, la fin de l’éducation prioritaire entraîne la fin de ces dispositifs. Le Bulletin officiel n°42 du 13 novembre 2014 décrit les nouvelles règles : « Désormais seules les affectations en établissements relevant des ces dispositifs (REP+, REP, établissement relevant de la politique de la ville) seront valorisées dans le cadre du mouvement national […] ». Toutefois un « dispositif transitoire » est prévu jusqu’aux mutations de 2017 (vœux inter-académiques en décembre 2016). Jusqu’en 2017, huit ans d’ancienneté sur le poste ex-APV ou ex-ZEP permettra 400 points de valorisation (300 points pour 5 ans…). Les collègues qui n’auraient pas muté ou qui n’auraient pas obtenu leur mutation en 2017, perdront définitivement leurs points de valorisation. Pour le ministère, il n’y a donc pas de différences entre le fait d’enseigner dans un LP ou un collège de Seine-Saint-Denis et dans le LP des métiers de la mer d’Arcachon ou au collège d’hyper centre-ville. Il s’agit là d’un mépris très clair des personnels. Pour celles et ceux qui seront au moins cinq ans en REP+, « ils bénéficieront grâce à une majoration de leur barème, d’une valorisation significative du classement de leur demande de mutation ». Mais attention, il ne faut pas s’enthousiasmer à la lecture de cette phrase car le BO prévoit seulement 160 points au bout de 5 ans… La destruction des REP et de l’éducation prioritaire comporte des enjeux plus graves que la seule question des mutations. Toutefois, cette dimension du problème montre bien le mépris et la méconnaissance du ministère vis à vis de la réalité du terrain.

Que faire ?

Face à cette situation, il y a des collègues qui croient qu’il suffit de payer une cotisation syndicale pour que, par miracle, cela les aide à régler leur problème de mutation (une croyance que certaines organisations n’hésitent pas à exploiter, auprès des jeunes arrivants notamment). Mais un syndicat ne peut rien sans un engagement militant de ses adhérent-e-s, sans une volonté de leur part de lutter collectivement. C’est valable pour les mutations comme pour le reste. Ainsi, c’est à la fois en se syndiquant et en luttant que l’on mettra un terme aux aberrations et aux politiques néfastes qui sont à l’origine des problèmes de mutation, pas autrement ! Quelques pistes : lutte pour la titularisation des précaires et la fin de la précarité, lutte pour le maintien des REP et l’amélioration des conditions de travail dans les quartiers populaires, lutte pour la création de postes à hauteur des besoins, refus des heures supplémentaires, refus de l’autonomisation libérale des établissements et de la régionalisation latente…

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