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Droit syndical : création d’une section dans le secteur privé et désignation d’un RSS

syndicalistes-CNTLa loi « portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail », effective depuis le 20 août 2008, a refondé le droit syndical dans les entreprises du secteur privé.

Sans rentrer dans les débats politiques et idéologiques sur les motivations générales de cette loi, largement critiquables (cf. la motion votée au congrès confédéral CNT de septembre 2008), il est un élément – le/la représentant-e de la section syndicale (RSS) – qui pour la CNT constitue une certaine forme d’avancée. En effet, avant, n’existait que le/la délégué-e syndical-e (DS). Il fallait alors créer clandestinement une section syndicale, s’assurer de remplir des critères de représentativité (activité, ancienneté et nombre d’adhérents notamment, tout ça clandestinement) et déclarer la section ; celle-ci étant ensuite très souvent attaquée par l’employeur devant un tribunal d’instance pour… non-représentativité ! Un exemple dans la région : celui de la section CNT de La Redoute qui, malgré une cinquantaine d’adhérent-e-s, s’est vue recalée 3 fois de suite par le tribunal d’instance de Roubaix et qui a finalement disparu en 2003 suite à la répression menée par la direction de l’entreprise à l’encontre de plusieurs de ses militantes (pour ceux et celles qui s’intéressent à l’histoire ouvrière du Nord Pas-de-Calais, lire ici l’interview que deux camarades CNT de La Redoute avaient accordée à cette époque à une étudiante en sociologie de Lille dans le cadre d’un travail universitaire intitulé « Le conflit de représentativité syndicale dans l’entreprise La Redoute : l’encadrement de la liberté syndicale contre la lutte des classes »).

Depuis le 20 août 2008, la CNT peut désormais engager une action syndicale d’entreprise plus facilement en désignant un RSS et ainsi une section syndicale avec des droits de base sans qu’elle ait obtenu la représentativité proprement dite, mais en remplissant tout de même des critères restreints (voir ci-dessous le paragraphe « Création d’une section syndicale »).

Voici donc une fiche pratique sur le droit d’implantation syndicale dans une entreprise du secteur privé et sur le RSS. Vous trouverez en bas de page l’ensemble des articles du Code du travail mentionnés (cf. note n°1) ainsi que des modèles de désignation de RSS pour les entreprises de plus de 50 salarié-e-s (cf. note n°2) et pour celles de moins de 50 salarié-e-s (cf. note n°3).

1. Création d’une section syndicale

La constitution d’une section syndicale est depuis la nouvelle loi ouverte à tous les syndicats, y-compris les syndicats non représentatifs nationalement ou dans la branche d’industrie concernée, avec trois exigences (Code du travail, art. L. 2142-1) :

  • l’indépendance ;
  • le respect des valeurs républicaines * ;
  • être affilié à un syndicat légalement constitué depuis au moins deux ans et comprenant l’entreprise dans son champ professionnel et géographique ;
  • avoir plusieurs adhérents.

* Concernant le « respect des valeurs républicaines », plusieurs employeurs ont tenté de contester la déclaration d’une section CNT au sein de leur entreprise en arguant du fait, auprès d’un tribunal d’instance, que la CNT ne satisfaisait pas à ce critère. Mais, à chaque mois, ces employeurs ont été déboutés par la Justice et ces jugements font maintenant jurisprudence. Dans la région, ce fut le cas en 2011 avec l’entreprise Sevelnord (filiale du groupe PSA) que le tribunal d’instance de Valenciennes a débouté de sa demande de contestation (pour voir le compte-rendu du jugement, cliquer ici).

2. Désignation d’un RSS

Tant qu’un syndicat n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, il n’est pas en droit de désigner un délégué syndical (DS). En revanche, s’il constitue une section syndicale au sein de cette entreprise ou de cet établissement, il peut désormais désigner un représentant de la section syndicale (RSS) qui aura pour mission de le représenter.

Le RSS doit, comme le délégué syndical, être âgé de 18 ans révolus, travailler dans l’entreprise depuis un an au moins (4 mois en cas de création d’entreprise, 6 mois dans les entreprises de travail temporaire) et n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques (Code du travail, art. L. 2143-1 et L. 2143-2).

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le RSS doit être un délégué du personnel et est désigné pour la même durée que celle de son mandat de DP (Code du travail, art. L. 2142-1-4). Rappel : pour obtenir un DP, il faut se présenter aux élections de DP. Et pour que l’employeur soit obligé d’organiser ces élections, il faut qu’il y ait dans l’entreprise plus de 11 équivalents temps plein.

La désignation du RSS suit les mêmes modalités de publicité (information de l’employeur, affichage, transmission à l’inspecteur du travail) et de contestation (saisine du juge judiciaire dans les 15 jours) que celles des délégués syndicaux (Code du travail, art. L. 2143-7 et L. 2143-8), c’est à dire que le RSS peut être contesté devant le tribunal d’instance sur la base de critères évoqués dans la note n°1.

Ce mandat est cumulable avec la fonction de DP, d’élu ou de représentant syndical au comité d’entreprise ou d’établissement (Code du travail, art. L. 2143-9).

3. Droits du RSS

Le RSS bénéficie d’un statut et d’attributions proches de ceux du délégué syndical (DS), à l’exception du pouvoir de négocier et conclure des accords collectifs sauf dans une situation bien précise : en l’absence de délégué syndical dans l’entreprise et dans l’hypothèse où il n’a pas été possible de conclure d’accord collectif avec un représentant élu ou un salarié mandaté.

Concrètement, le RSS bénéficie d’un crédit d’heures de délégation d’au moins 4 heures par mois (Code du travail, art. L. 2142-1-3) et bénéficie des moyens mis à disposition de la section syndicale (affichage, distribution de tracts, etc.), notamment le local commun à toutes les sections dans les entreprises de plus de 200 salariés. En revanche, dans les entreprises ou établissements de 1 000 salariés ou plus, l’obligation de mettre un local distinct à disposition de chaque section syndicale est désormais réservée aux sections créées par des syndicats représentatifs (Code du travail, art. L. 2142-8).

Le RSS est protégé contre le licenciement de la même manière qu’un délégué syndical (Code du travail, art. L. 2142-1-2), c’est-à-dire que son licenciement est soumis, après enquête contradictoire, à l’autorisation de l’inspection du travail, pendant son mandat et un an après la fin de celui-ci.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le mandat de RSS ouvre droit à un crédit d’heures uniquement si une disposition conventionnelle le prévoit. Le temps dont dispose le délégué du personnel pour l’exercice de son mandat d’élu peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l’exercice de ses fonctions de RSS (Code du travail, art. L. 2142-1-4).

4. Fin du mandat de RSS

Le mandat du RSS prend fin, à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation. Deux cas sont alors possibles :

  • si le syndicat est reconnu représentatif c’est-à-dire qu’il a obtenu au moins 10% des suffrages au premier tour des élections de CE, DUP ou à défaut DP, la section syndicale peut alors désigner un délégué syndical ;
  • si le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise, le RSS ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical jusqu’aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise (Code du travail, art. L. 2142-1-1). Le syndicat qui demeure non représentatif peut en revanche désigner un autre salarié comme RSS.

Quoi qu’il en soit, l’ex-RSS reste protégé contre le licenciement après son mandat de la même manière qu’un ex-délégué syndical pour une durée de 12 mois : l’autorisation de l’inspecteur du travail doit être donnée. En cas d’acceptation du licenciement par l’inspection du travail, des recours existent encore : recours hiérarchique auprès du ministre du travail, et recours contentieux au tribunal administratif.

5. Précisions

Trois mois après la publication de la loi du 20 août 2008 réformant la représentativité syndicale, la DGT (direction générale du travail) – dans sa circulaire n° 20 du 13 novembre 2008 – a fait le point sur cette réforme et sur les dates d’entrée en vigueur des nouvelles règles (représentativité dans l’entreprise ou l’établissement, désignation des DS et les RSS, protocole d’accord pré-électoral, salariés mis à disposition…). Pour télécharger cette circulaire, cliquer ici.

Quelques liens pour en savoir plus :

> Les institutions représentatives du personnel (brochure CNT)
> Syndicalisme révolutionnaire & droit syndical
> Quelques conseils pour lutter sur le lieu de travail
> Page juridique de la CNT 59/62

Notes :

1. Articles du Code du travail sur le RSS

Article L. 2142-1
Dès lors qu’ils ont plusieurs adhérents dans l’entreprise ou dans l’établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l’article L. 2131-1.

Article L. 2142-1-1
Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement de cinquante salariés ou plus peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement. Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs. Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise.

Article L. 2142-1-2
Les dispositions des articles L. 2143-1 et L. 2143-2 relatives aux conditions de désignation du délégué syndical, celles des articles L. 2143-7 à L. 2143-10 et des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2143-11 relatives à la publicité, à la contestation, à l’exercice et à la suppression de son mandat et celles du livre IV de la présente partie relatives à la protection des délégués syndicaux sont applicables au représentant de la section syndicale.

Article L. 2142-1-3
Chaque représentant de la section syndicale dispose d’un temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale. L’employeur qui entend contester l’utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

Article L. 2142-1-4
Dans les entreprises qui emploient moins de cinquante salariés, les syndicats non représentatifs dans l’entreprise qui constituent une section syndicale peuvent désigner, pour la durée de son mandat, un délégué du personnel comme représentant de la section syndicale. Par disposition conventionnelle, ce mandat de représentant peut ouvrir droit à un crédit d’heures. Le temps dont dispose le délégué du personnel pour l’exercice de son mandat peut être utilisé dans les mêmes conditions pour l’exercice de ses fonctions de représentant de la section syndicale.

Article L. 2143-1
Le délégué syndical doit être âgé de dix-huit ans révolus, travailler dans l’entreprise depuis un an au moins et n’avoir fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à ses droits civiques. Ce délai d’un an est réduit à quatre mois en cas de création d’entreprise ou d’ouverture d’établissement.

Article L. 2143-7
Les noms du ou des délégués syndicaux sont portés à la connaissance de l’employeur dans des conditions déterminées par décret. Ils sont affichés sur des panneaux réservés aux communications syndicales. La copie de la communication adressée à l’employeur est adressée simultanément à l’inspecteur du travail. La même procédure est appliquée en cas de remplacement ou de cessation de fonctions du délégué.

2. Lettre-type de désignation d’un RSS dans une entreprise de plus de 50 salarié-e-s

Recommandé avec accusé de réception

À… , le…

Nom et adresse du syndicat CNT auquel la section est affiliée

À Madame / Monsieur XXX
Société XXX
Adresse…

Objet : désignation d’un représentant de la section syndicale (RSS)

Madame / Monsieur,

Conformément à l’article L2142-1-1 du Code du travail, nous vous informons de la désignation de M. / Mme XXX comme représentant-e de la section syndicale CNT pour l’entreprise (ou l’établissement) XXX.

Vous voudrez bien afficher une copie de la présente dans l’entreprise et mettre un panneau d’affichage à disposition de la section syndicale CNT.

Nous vous demandons également un exemplaire de la convention collective dont dépendent les salarié-e-s de votre établissement, ainsi qu’un Code du travail comme le prévoit la loi (article L 412-11 du Code du travail).

Un double de cette lettre de désignation est adressé concomitamment à l’inspecteur du travail.

Veuillez agréer, Madame / Monsieur, nos salutations distinguées.

Pour le syndicat CNT…. de….,
nom, prénom et signature du syndicat auquel la section est affiliée

3. Lettre-type de désignation d’un RSS dans une entreprise de moins de 50 salarié-e-s

Recommandé avec accusé de réception

À… , le…

Nom et adresse du syndicat CNT auquel la section est affiliée

À Madame / Monsieur XXX
Société XXX
Adresse…
Objet : désignation d’un délégué du personnel (DP) comme représentant de la section syndicale (RSS)

Madame / Monsieur,

Conformément à l’article L2142-1-4 du Code du travail, nous vous informons que nous désignons M. / Mme XXX , à ce jour délégué-e du personnel titulaire, comme représentant-e de la section syndicale CNT, pour toute la durée de son mandat, pour l’entreprise (ou l’établissement) XXX.

Vous voudrez bien afficher une copie de la présente dans l’entreprise et mettre un panneau d’affichage à disposition de la section syndicale CNT .

Nous vous demandons également un exemplaire de la convention collective dont dépendent les salarié-e-s de votre établissement, ainsi qu’un Code du travail comme le prévoit la loi (article L 412-11 du Code du travail).

Un double de cette lettre de désignation est adressé concomitamment à l’inspecteur du travail.

Veuillez agréer, Madame / Monsieur, nos salutations distinguées.

Pour le syndicat CNT… de…,
nom, prénom et signature du secrétaire du syndicat auquel la section est affiliée

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UR NPDCP

8 commentaires

  1. la section syndicale c’est la chose la plus noble dans le monde du travaille ,défendre les intérét des salarié sans négligé de préserver les richesse de leur entreprise . le syndicat pour quel soie fort il faut deux poins essentiel , il faut que le syndic travaille et occupe sans poste avec des effort pour donner l’exemple et il faut que les travailleur soit unis et solidaire avec leur syndicat, c’est mon point de vue , je ne suis pas français mais c’est plus for que moi je suis un syndicat dans mon entreprise en algerie

  2. Tout à fait d’accord avec toi, camarade !
    Fraternelles salutations syndicalistes et internationalistes,
    Eric Dussart (administrateur du site)

  3. Bonjour les camarades, dans mon entreprises de moins de 50 salariés il y a une section syndicale, mais la loi dit que le RSS doit être un délégué du personnel et est désigné pour la même durée que celle de son mandat de DP (Code du travail, art. L. 2142-1-4, malheureusement nous n’avons d’élection de DP, faut il impérativement demander à l’employeur d’en organiser ?

  4. Bonjour camarade.

    Oui, il faut impérativement demander à l’employeur d’organiser une élection de DP.

    Extrait de http://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/representants-du-personnel/delegues-du-personnel/article/les-delegues-du-personnel-elections :
    C’est à l’employeur qu’il appartient, une fois tous les 4 ans, d’organiser les élections. Son absence d’initiative ou son refus injustifié l’exposent à des poursuites pénales. Lorsque l’institution n’a pas été mise en place, un salarié de l’entreprise ou une organisation syndicale peuvent à tout moment saisir l’employeur pour demander l’organisation d’élections. Le premier salarié qui a saisi l’employeur d’une telle demande bénéficie d’une protection contre le licenciement, si son initiative est confirmée par une organisation syndicale. L’employeur doit alors engager la procédure électorale dans le délai d’un mois suivant la date de réception de la demande faite (de préférence) par lettre recommandée avec accusé de réception.

  5. Merci pour ta réponse camarade, vive le syndicalisme !

  6. Salut camarades,

    je crois qu’il y a une coquille dans les titres des lettres types de désignation d’un RSS car les deux titres sont pour une entreprise “de plus” de 50 salarié-e-s. Il me semble que la 2nd est pour une entreprise “de moins” de 50 salarié-e-s?
    En tout cas merci pour cette brochure claire et efficace.
    Romain (sub33)

  7. Salut Romain,

    Bravo à toi pour avoir repéré cette coquille ! C’est corrigé !

    Eric (admin du site)

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